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Batteries : les enjeux autour du stockage d'énergie se multiplient

Le rôle incontournable des batteries dans la transition énergétique

avec Cyrille Sollogoub, professeur des universités au CNAM et Didier Dalmazzone, professeur en chimie et procédés à l'ENSTA (IP Paris)
Le 3 juillet 2025 |
5 min. de lecture
Cyrille Sollogoub
Cyrille Sollogoub
professeur des universités au CNAM
Ddidier Dalmazzone
Didier Dalmazzone
professeur en chimie et procédés à l'ENSTA (IP Paris)
En bref
  • Les batteries rechargeables au lithium-ion ont révolutionné l’électronique moderne et sont aujourd’hui utilisées pour alimenter les véhicules hybrides et électriques.
  • Elles rencontrent de nombreux défis qui résident dans la fabrication de batteries sûres, performantes et à grande échelle pour répondre à une demande croissante.
  • Elles soulèvent aussi d’autres défis : disponibilité de métaux critiques et des chaînes d’approvisionnement, ou contrôle de ces chaînes, largement détenues par la Chine.
  • Pour faire face, l’UE a pour objectif la construction d’une trentaine de « gigafactories » capables de fabriquer des batteries Li-ion pour les véhicules électriques.
  • Parmi les avancées prometteuses, Vektor est un conglomérat de groupes qui tentent d’unir leurs forces pour faire avancer la production et la fabrication des batteries Li-on.

Les bat­ter­ies recharge­ables au lithi­um-ion (Li-ion) sont apparues au début des années 1990 et ont révo­lu­tion­né l’élec­tron­ique mod­erne. Ces bat­ter­ies sont aujourd’hui de plus en plus util­isées pour ali­menter les véhicules élec­triques et hybrides, grâce à leur den­sité énergé­tique élevée et à leurs excel­lentes per­for­mances, et comme com­posants clés dans les appareils qui stock­ent l’én­ergie pro­duite à par­tir de sources renou­ve­lables. Au cours des deux dernières décen­nies et demie, cette tech­nolo­gie s’est améliorée, gag­nant 5 à 10 % d’ef­fi­cac­ité chaque année grâce à l’op­ti­mi­sa­tion des archi­tec­tures existantes.

Cepen­dant, pour évoluer vers une économie véri­ta­ble­ment sans car­bone, nous aurons besoin de bat­ter­ies plus per­for­mantes que la tech­nolo­gie Li-ion d’aujourd’hui (voire que celles de demain). Dans les véhicules élec­triques, ces bat­ter­ies devront être aus­si petites et légères que pos­si­ble, ce qui néces­sit­era des den­sités énergé­tiques bien supérieures aux 300 Wh/kg et 800 Wh/L con­sid­érées comme les lim­ites pra­tiques de la tech­nolo­gie Li-ion actuelle. D’autres enjeux sont à relever : réduire les coûts, amélior­er la sécu­rité et la dura­bil­ité, dimin­uer le temps de recharge et aug­menter leur durée de vie (celle-ci devant attein­dre env­i­ron dix ans ou plus) à mesure qu’elles sont util­isées dans des appli­ca­tions impor­tantes sur le plan économique, telles que le stock­age sur réseau.

Quels seront selon vous les défis pour les batteries du futur ?

Cyrille Sol­l­o­goub. Les bat­ter­ies Li-ion sont large­ment util­isées dans tous les types d’ap­pareils élec­tron­iques porta­bles et leur util­i­sa­tion a vrai­ment pris son essor dans les années 1990. Aujour­d’hui, ce sont les bat­ter­ies pour véhicules élec­triques qui occu­pent le devant de la scène.

Les prin­ci­paux défis rési­dent dans la fab­ri­ca­tion de bat­ter­ies à la fois per­for­mantes, sûres et pro­duites à grande échelle, afin de répon­dre à une demande en forte crois­sance. En effet, le besoin en véhicules élec­triques pou­vant être rechargés rapi­de­ment devrait aug­menter de manière qua­si-expo­nen­tielle dans les années à venir. Ces bat­ter­ies devront égale­ment être conçues pour être les plus légères possible.

Didi­er Dal­maz­zone. Par­mi les autres défis à relever, citons la disponi­bil­ité des métaux cri­tiques et des chaînes d’ap­pro­vi­sion­nement, ain­si que le con­trôle de ces chaînes, qui est actuelle­ment large­ment détenu par la Chine. La recy­cla­bil­ité des bat­ter­ies exis­tantes com­mence égale­ment à pos­er prob­lème, car leur fin de cycle de vie approche, ce qui ne fera qu’empirer à l’avenir. L’in­dus­trie du recy­clage des bat­ter­ies n’est pas encore en mesure de relever ce défi aujour­d’hui. Il est égale­ment essen­tiel de retrou­ver notre sou­veraineté indus­trielle en Europe et en France.

CS. Ce dernier point est directe­ment lié aux enjeux de fab­ri­ca­tion, car aucun des matéri­aux néces­saires, du moins ceux util­isés pour la par­tie active des bat­ter­ies, n’est actuelle­ment disponible en Europe. En cela, il est clair que nous dépen­dons forte­ment d’autres pays : non seule­ment les bat­ter­ies ne sont pas fab­riquées en Europe, mais nous ne maîtrisons pas encore leur fab­ri­ca­tion à grande échelle.

L’UE est con­sciente de ce prob­lème et s’est fixée pour objec­tif de con­stru­ire une trentaine de « gigafac­to­ries » capa­bles de fab­ri­quer des bat­ter­ies lithi­um-ion pour les véhicules élec­triques. La France et l’UE ont donc investi mas­sive­ment dans ces infra­struc­tures. L’ob­jec­tif ini­tial était que 20 % des bat­ter­ies soient pro­duites en Europe d’i­ci 2030. Or, ce chiffre est aujour­d’hui inférieur à 2 %. Cette faible pro­por­tion s’ex­plique par des retards impor­tants, et l’ob­jec­tif de 2030 ne sera prob­a­ble­ment pas atteint.

DD. Un autre prob­lème est que même si nous par­venons à con­stru­ire ces gigafac­to­ries, nous ne dis­posons pas des matéri­aux néces­saires à la fab­ri­ca­tion des bat­ter­ies. Telle est la sit­u­a­tion actuelle.

Avez-vous des propositions ou des idées pour avancer dans le bon sens ?

DD. Nous devons absol­u­ment retrou­ver notre sou­veraineté. La France a été à l’o­rig­ine de la tech­nolo­gie des bat­ter­ies1. Et même s’il reste encore quelques acteurs indus­triels en France – nous n’avons pas com­plète­ment dis­paru –, il est clair que nous allons devoir agir très rapi­de­ment pour rat­trap­er les Chi­nois, qui pro­gressent eux-mêmes très vite en ce moment. En ter­mes de prix, le coût des bat­ter­ies baisse à un rythme incroy­able. C’est donc un défi énorme pour les fab­ri­cants qui sont encore dans la course et qui souhait­ent rester compétitifs.

On peut citer ici Verkor, un con­glomérat de dif­férents groupes qui ten­tent d’u­nir leurs forces pour faire avancer la pro­duc­tion et la fab­ri­ca­tion de bat­ter­ies Li-ion. Des recherch­es appro­fondies sur la chimie de ces matéri­aux ont été menées partout dans le monde. John B. Good­e­nough, Stan­ley Whit­ting­ham et Aki­ra Yoshi­no ont reçu le prix Nobel de chimie en 2019 pour leur con­tri­bu­tion à leur développe­ment2. Cepen­dant, je pense que nous devons désor­mais être pro­duc­tifs pour répon­dre à la demande crois­sante. C’est pourquoi, en tant que per­son­ne davan­tage impliquée dans les proces­sus, je pense qu’il y a beau­coup à faire dans ce domaine. Nous devons égale­ment ren­dre ces bat­ter­ies plus robustes.

CS. En effet, il y a un aspect impor­tant à pren­dre en compte : la sécu­rité. C’est d’ailleurs l’une des lim­ites des bat­ter­ies Li-ion actuelles, en par­ti­c­uli­er celles qui con­ti­en­nent des élec­trolytes liq­uides inflam­ma­bles. Si nous voulons que les bat­ter­ies lithi­um-ion fassent par­tie de notre quo­ti­di­en dans les véhicules élec­triques par exem­ple, nous devons les ren­dre plus sûres. C’est là que les bat­ter­ies à base de com­posés solides présen­tent un intérêt.

DD. La ques­tion de la sécu­rité devient encore plus pres­sante à mesure que la den­sité énergé­tique aug­mente. L’ob­jec­tif étant de ten­dre vers des den­sités énergé­tiques tou­jours plus élevées, les tech­nolo­gies actuelles, basées sur des élec­trolytes liq­uides, qui sont en fait des solvants organiques, donc inflam­ma­bles, doivent être revues. Mes col­lègues sur le cam­pus de l’IP Paris tra­vail­lent à rem­plac­er cer­tains matéri­aux des bat­ter­ies Li-ion, comme le graphite, par du sili­ci­um. D’autres approches impliquent les bat­ter­ies métal-air. À terme, nous aime­ri­ons rem­plac­er le lithi­um par d’autres matéri­aux, car cet élé­ment se fera de plus en plus rare.

Mais le lithium ne se trouve-t-il pas en France ?

DD. Le lithi­um se trou­ve presque partout dans le monde, mais il doit être extrait cor­recte­ment car l’ex­ploita­tion minière de ce métal est extrême­ment pol­lu­ante. Le min­erai doit égale­ment répon­dre à des critères de qual­ité spé­ci­fiques. En France, nous en trou­vons en Alsace et dans le Mas­sif cen­tral, mais il fau­dra faire atten­tion. Il suf­fit de voir les effets dévas­ta­teurs de l’ex­ploita­tion minière du lithi­um sur les paysages d’Amérique du Sud. La purifi­ca­tion est égale­ment une étape prob­lé­ma­tique après l’extraction.

En con­clu­sion, la demande en bat­ter­ies va con­sid­érable­ment aug­menter à l’avenir, nous devons donc com­mencer à nous y pré­par­er. Et aujour­d’hui, la tech­nolo­gie Li-ion à élec­trolyte liq­uide atteint déjà ses limites.

Voyez-vous déjà des alternatives au lithium-ion ? Le sodium a été mentionné précédemment ?

CS. Il y a deux ou trois ans, j’au­rais égale­ment cité l’hy­drogène, mais il sem­ble per­dre de son élan. De plus, il pose beau­coup de prob­lèmes. Je pense que les bat­ter­ies ont pris l’a­van­tage, en par­ti­c­uli­er pour les véhicules élec­triques. Même si la tech­nolo­gie lithi­um-ion exis­tante peut encore être améliorée, elle ne suf­fi­ra pas pour répon­dre aux besoins futurs. Il faut donc tra­vailler sur les bat­ter­ies post-lithi­um-ion (« tout solide », sodi­um-ion, lithi­um-soufre, etc.), ce qui implique de dévelop­per de nou­velles chimies et archi­tec­tures d’élec­trodes offrant des den­sités énergé­tiques beau­coup plus élevées et de nou­veaux élec­trolytes capa­bles de fournir la con­duc­tiv­ité élevée req­uise. Le défi con­siste à réu­nir toutes ces qual­ités dans une bat­terie qui soit à la fois sûre, durable, économique­ment viable et com­pat­i­ble avec une pro­duc­tion à grande échelle.

Propos recueillis par Isabelle Dumé

Poly­tech­nique Insights est parte­naire média de l’ex­po cap­sule Bat­ter­ies au musée des Arts et Métiers. L’ex­po­si­tion explore la fab­ri­ca­tion, le fonc­tion­nement et le rôle des bat­ter­ies dans la tran­si­tion énergé­tique et la mobilité.

1https://​www​.sci​encedi​rect​.com/​s​c​i​e​n​c​e​/​a​r​t​i​c​l​e​/​a​b​s​/​p​i​i​/​0​0​2​2​4​5​9​6​7​0​9​00496
2http://​www​.nobel​prize​.org/​u​p​l​o​a​d​s​/​2​0​1​9​/​1​0​/​a​d​v​a​n​c​e​d​-​c​h​e​m​i​s​t​r​y​p​r​i​z​e​2​0​1​9.pdf

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