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Météorologie : comment l’IA et les satellites font la pluie et le beau temps

Mieux prévoir la météo avec de nouveaux satellites européens

Sébastien Léas, prévisionniste chez Météo-France
Le 29 mars 2023 |
4 min. de lecture
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Sébastien Léas
prévisionniste chez Météo-France
En bref
  • Les Météosat de Troisième Génération (MTG), qui seront lancés d’ici 2030, permettront une meilleure identification des phénomènes météorologiques.
  • Leurs images seront deux fois plus précises et plus fiables, étant rafraîchies toutes les 10 minutes.
  • Les MTG seront en mesure de détecter les phénomènes météo extrêmes, qui vont devenir de plus en plus fréquents à cause du changement climatique.
  • Ces satellites utiliseront des données cent fois plus nombreuses que ceux de la deuxième génération.
  • Ils seront en mesure de créer des images multispectrales, en condensant les observations de différents canaux de satellites.

Les prévi­sion­nistes seront en mesure d’i­den­ti­fi­er plus rapi­de­ment et avec plus d’efficacité les phénomènes météorologiques extrêmes, grâce à qua­tre nou­veaux satel­lites imageurs et deux satel­lites son­deurs, dont le lance­ment est prévu entre 2022 et 2030.

Les Météosat de Troisième Généra­tion (ou MTG) rem­placeront pro­gres­sive­ment les satel­lites de deux­ième généra­tion actuelle­ment en opéra­tion dans l’espace. Le pre­mier d’entre eux sera lancé à la fin de cette année, pour être opéra­tionnel en 2023, suivi de trois mod­èles sim­i­laires et de deux satel­lites sondeurs. 

Avec eux, les images envoyées vers la Terre seront deux fois plus pré­cis­es et plus fiables : elles seront rafraîchies toutes les 10 min­utes (con­tre 15 minute aujourd’hui), c’est-à-dire, qua­si­ment en temps réel. Ils dis­poseront égale­ment d’un nou­v­el instru­ment de détec­tion de la foudre inédit en Europe (appelé Light­ning Imager) qui per­me­t­tra d’observer les éclairs avec beau­coup plus de pré­ci­sion que les sys­tèmes actuels, qui fonc­tion­nent depuis le sol et qui ne peu­vent pas donc détecter les éclairs entre les nuages et ceux qui sont sur le point de touch­er le sol. 

Ils seront égale­ment en mesure de détecter pré­co­ce­ment les orages vio­lents et d’autres évène­ments météorologiques extrêmes. Ce type de phénomènes est sus­cep­ti­ble de devenir de plus en plus fréquent à l’avenir à cause du réchauf­fe­ment cli­ma­tique. Les nou­velles obser­va­tions per­me­t­tront d’améliorer nos con­nais­sances de ces évène­ments et d’alerter les pop­u­la­tions quand c’est nécessaire.

Des données cent fois plus nombreuses 

Les don­nées issues de ces satel­lites (cent fois plus nom­breuses que celles obtenues par les satel­lites de deux­ième généra­tion) seront util­isées dans de nou­veaux mod­èles par l’Organisation européenne pour l’exploitation des satel­lites météorologiques (EUMETSAT), le coor­di­na­teur du réseau satel­lite météo européen.

En France, c’est le Cen­tre de météorolo­gie spa­tiale de Lan­nion, en Bre­tagne, qui est chargé de traiter les don­nées. L’avantage de ce site est qu’il béné­fi­cie d’une bonne récep­tion, car il n’est pas pol­lué par d’autres récep­teurs de satel­lites que l’on trou­ve dans les métrop­o­les plus grandes – comme Toulouse, par exem­ple, qui est le cen­tre névral­gique de Météo-France.

L’objectif est de faire les meilleures prévi­sions pos­si­bles afin de pou­voir prévenir et sécuris­er les per­son­nes et les biens.

Les Météosat de Sec­onde Généra­tion (MSG) pos­sè­dent un radiomètre imageur qui fonc­tionne dans les par­ties vis­i­bles et infrarouges du spec­tre élec­tro­mag­né­tique. Cet imageur observe la Terre dans 12 canaux dif­férents avec une réso­lu­tion de 1 km pour le canal Haute Réso­lu­tion Vis­i­ble et 3 km pour les autres canaux. Par rap­port aux MSG, nous avons encore plus de canaux avec les MTG et plus de bal­ayages, donc une meilleure pré­ci­sion. Ces infor­ma­tions seront utiles au quo­ti­di­en, notam­ment dans les phénomènes à risque.

Après le lance­ment, il y aura une phase de test suiv­ie par une phase d’utilisation ini­tiale où les prévi­sion­nistes appren­dront à s’approprier les nou­veaux instru­ments. Nous allons dis­pos­er d’une qual­ité d’image et de détec­tion de plus en plus rich­es dans plusieurs canaux, pour attein­dre une très haute réso­lu­tion d’en­v­i­ron 500 mètres pour le canal fonc­tion­nant dans le spec­tre du vis­i­ble. L’objectif est de faire les meilleures prévi­sions pos­si­bles afin de pou­voir prévenir et sécuris­er les per­son­nes et les biens. 

Des images de synthèse multi-spectre 

Les satel­lites Météosat actuels pro­duisent des images en com­po­si­tion et en couleur, et ceux de la troisième généra­tion fer­ont de même. Le but, pour les deux­ièmes et troisièmes généra­tions, est de créer des images de syn­thèse mul­ti-spec­tre en y « con­den­sant » les obser­va­tions de dif­férents canaux de satellites. 

Il existe à ce titre plusieurs types de satel­lites : tout d’abord les satel­lites « géo­sta­tion­naires », qui obser­vent tou­jours le même endroit sur la Terre et qui sont situés à une alti­tude de plus de 30 000 kilo­mètres. Ils ont une vitesse de rota­tion iden­tique à celle de la Terre et nous per­me­t­tent de réalis­er des ani­ma­tions météorologiques. En revanche, les satel­lites dits « défi­lants » tour­nent autour de la Terre et ne voient pas la même bande de tra­jec­toire. Ces satel­lites sont situés à une alti­tude net­te­ment plus basse, 800 km seule­ment, ce qui per­met d’obtenir des images beau­coup plus pré­cis­es, notam­ment des nuages bas ou du brouillard. 

En util­isant les dif­férents canaux de satel­lites, nous sommes en mesure de réalis­er ce qu’on appelle un état ini­tial de l’atmosphère. Cela nous per­me­t­tra de cor­réler ce que nous obser­vons avec ce que nous prévoyons. Pour faire une bonne prévi­sion, nous devons savoir ce qui se passe actuelle­ment mais aus­si ce qui s’est passé il y a quelques jours, un peu plus au large de l’Atlantique, par exem­ple. Nous pour­rons ain­si observ­er l’évolution des mass­es nuageuses et en faire une bonne représentation.

Le but est de créer des images de syn­thèse mul­ti-spec­tre en con­den­sant les obser­va­tions de dif­férents canaux de satellites.

Les images résul­tantes sont en dégradé de noir et blanc, une sorte de représen­ta­tion pho­tographique de la réflec­tiv­ité des nuages. Les couleurs blanch­es écla­tantes représen­tent les nuages qui sont générale­ment très épais, car ils reflè­tent forte­ment la lumière du soleil. Les nuages plus petits sont plus grison­nants, voire un peu som­bre, et sont sou­vent des nuages bas chargés de pluie et qui ont donc une faible réflec­tiv­ité, car ils absorbent davan­tage de lumière.

La nuit, en revanche, nous util­isons les canaux infrarouges qui pren­nent la tem­péra­ture de la pre­mière couche de nuages ren­con­trée. Plus le nuage est haut, plus la tem­péra­ture est basse. Et plus la tem­péra­ture est basse, plus la couleur est claire. C’est pourquoi les nuages élevés appa­rais­sent blancs dans l’infrarouge. Pour une prévi­sion à courte échéance, il con­vient de con­sul­ter une ani­ma­tion com­posée de plusieurs images. Cepen­dant, les analy­ses sont plus dif­fi­ciles à cer­taines péri­odes de l’année – l’automne, par exem­ple, où nous trou­vons par­fois des nuages bas qui ont la même tem­péra­ture que le sol, ce qui les rend dif­fi­ciles à distinguer. 

Propos recueillis par Isabelle Dumé

Références

https://​www​.eumet​sat​.int/​m​t​g​-​l​i​g​h​t​n​i​n​g​-​i​mager

https://​mete​ofrance​.com

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