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Que signifie « avoir confiance en la science » ?

Sondage : les Français ont une excellente image de la science, mais de faibles connaissances

Jérôme Fourquet , directeur du département Opinion de l’Ifop
Le 22 novembre 2022 |
5 min. de lecture
JF
Jérôme Fourquet
directeur du département Opinion de l’Ifop
En bref
  • Seuls 21 % des Français déclarent avoir une culture scientifique satisfaisante, contre 37 % qui considèrent avoir des lacunes en la matière.
  • 92 % des Français ont une bonne image de la science, dont 22 % une très bonne image.
  • 72 % estiment que la science rend l’Homme meilleur : c’est un score qui augmente de façon significative depuis les années 70 et 80.
  • 8 Français sur 10 considèrent que les scientifiques sont dignes de confiance, mais seulement 12 % sont tout à fait d’accord avec cette affirmation.

Cet arti­cle est la pre­mière par­tie sur deux d’une enquête réal­isée avec l’Ifop, en août 2022. Cliquez ici pour télécharg­er les résul­tats de notre enquête. 

Seulement 21% ont une culture scientifique « satisfaisante »

Invités à s’autopositionner sur leur niveau de cul­ture sci­en­tifique1, seuls 21 % des Français déclar­ent avoir une cul­ture sci­en­tifique sat­is­faisante, dont 3 % très sat­is­faisante – un niveau en baisse par rap­port à 2018 (27 %, soit ‑6 points). Ils sont en par­al­lèle 42 % à la con­sid­ér­er comme moyenne, tan­dis que 37 % con­sid­èrent avoir des lacunes en la matière, dont 17 % de gross­es lacunes. Cette baisse de l’auto-évaluation de son niveau sci­en­tifique peut être mise en regard du niveau de tech­nic­ité du débat sci­en­tifique des deux dernières années lié au Covid-19.

Dans le détail : les hommes et les moins de 35 ans sont plus nom­breux à éval­uer leur cul­ture sci­en­tifique à un niveau sat­is­faisant (respec­tive­ment 26 % et 33 % d’entre eux, con­tre 18 % des femmes et 17 % des 35 ans et plus). Le posi­tion­nement plus avan­tageux des plus jeunes s’explique notam­ment par un niveau de con­nais­sances et d’études sans doute supérieur à celui de leurs aînés à la même époque, mais aus­si par le car­ac­tère plus récent de leur appren­tis­sage. Le « gen­der gap » revêt en revanche plusieurs niveaux d’explications : tout d’abord, les hommes ont ten­dance à davan­tage suré­val­uer leurs con­nais­sances à tous niveaux, lorsque les femmes ont ten­dance à les déval­uer. De plus, les femmes ont, du fait de leur par­cours sco­laire, moins d’attrait pour les matières sci­en­tifiques, et ne sont pas autant encour­agées que les hommes à pour­suiv­re des études scientifiques. 

Près de 92 % ont une « bonne image » de la science

Ce niveau de cul­ture sci­en­tifique, qui appa­raît rel­a­tive­ment faible, ne sem­ble pas pour autant influ­encer l’image glob­ale que les Français se font de la sci­ence en général. Ils sont ain­si 92 % à déclar­er en avoir une bonne image, dont 22 % une très bonne image. 

On con­state toute­fois dans le détail une influ­ence du niveau de cul­ture sci­en­tifique sur le degré de très bonne image de la dis­ci­pline. Ain­si observe-t-on que ceux jugeant avoir une cul­ture sat­is­faisante sont 55 % à avoir une très bonne image de la sci­ence, quand ceux qui la déclar­ent lacu­naire ne sont plus que 9 % (soit 46 points d’écart). 

Si la bonne image de la sci­ence est unanime­ment partagée par l’ensemble des Français, des cli­vages s’opèrent toute­fois au niveau de la très bonne image : les hommes et les CSP + sont ain­si plus nom­breux à déclar­er avoir une très bonne image de la sci­ence (respec­tive­ment 31 % et 38 % d’entre eux, con­tre seule­ment 15 % des femmes et 14 % des CSP-). De plus, les sym­pa­thisants de par­tis con­tes­tataires, tels que la France Insoumise, sont moins nom­breux à avoir une image très pos­i­tive de la sci­ence (18 %) tan­dis que les sym­pa­thisants des par­tis de gou­verne­ment sont plus nom­breux à en avoir une image très pos­i­tive : 32 % des sym­pa­thisants de La République en Marche, 39 % des sym­pa­thisants Les Répub­li­cains et 28 % des sym­pa­thisants du Par­ti social­iste et d’EELV. 

72 % estiment que la science rend l’Homme meilleur

Plus pré­cisé­ment, au sujet de la sci­ence, plus de 9 Français sur 10 se mon­trent d’accord avec les affir­ma­tions selon lesquelles la sci­ence est une source de pro­grès pour l’humanité (93 %, dont 39 % tout à fait d’accord), qu’elle a un impact économique impor­tant via les inno­va­tions qu’elle per­met (91 %, dont 27 % tout à fait d’accord), ou encore que la sci­ence doit rester une référence car elle per­met de dis­tinguer le vrai du faux sur un grand nom­bre de sujets (90 %, dont 32 % tout à fait d’accord). 

87 % des Français con­sid­èrent égale­ment que la sci­ence regroupe un ensem­ble de dis­ci­plines attrac­tives, ce qui n’empêche pas 70 % d’entre eux de les juger en par­al­lèle com­plex­es et peu acces­si­bles. Aus­si, 72 % esti­ment que le développe­ment de la con­nais­sance sci­en­tifique rend l’Homme meilleur. 

8 Français sur 10 ont confiance en les scientifiques 

Au-delà de l’image de la sci­ence en général, les sci­en­tifiques béné­fi­cient eux-aus­si d’une bonne image auprès du grand pub­lic, bien qu’un peu plus nuancée. 

93 % s’accordent sur le fait que les sci­en­tifiques sont des gens motivés par le désir de savoir, la curiosité et l’imagination (dont 35 % tout à fait d’accord). Cet item con­stitue le seul à avoir recueil­li l’agrément de plus de 9 Français sur 10. Vient ensuite l’idée selon laque­lle les sci­en­tifiques sont motivés par le désir de con­tribuer à chang­er le monde, pour 85 % dont 19 % tout à fait d’accord. 8 Français sur 10 con­sid­èrent égale­ment que les sci­en­tifiques sont dignes de con­fi­ance, mais dont 12 % seule­ment tout à fait d’accord – un des scores les plus faibles obtenus sur cet item de réponse.

Les 25–34 ans sont égale­ment sous-représen­tés par­mi ceux faisant con­fi­ance aux sci­en­tifiques (69 %, soit 11 points sous la moyenne) – un phénomène qui sem­ble pren­dre de l’ampleur au sein de cette généra­tion, la pre­mière à avoir gran­di avec les réseaux soci­aux, mar­quée par une défi­ance crois­sante envers les instances dirigeantes, et davan­tage en proie aux dif­fi­cultés de la vie active (par rap­port aux 18–24 ans).

D’autres affir­ma­tions témoignent encore du car­ac­tère dés­in­téressé des chercheurs : le fait que ces derniers tra­vail­lent dans le sens de l’intérêt général, le fait qu’ils soient dévoués et tra­vail­lent pour le bien de l’humanité, obti­en­nent des scores d’agrément respec­tive­ment de 79 % et 78 %. À cela s’ajoute une minorité de Français qui esti­ment que ces derniers sont motivés par le désir d’être con­nu du grand pub­lic (46 %). 

Cepen­dant, plusieurs aspects vien­nent con­tredire cette image d’Épinal : 71 % des Français leurs recon­nais­sent une moti­va­tion de com­péti­tiv­ité, 70 % con­sid­èrent qu’ils priv­ilégient la sci­ence par­fois au détri­ment de l’humanité et une majorité émet des doutes sur leur indépen­dance (57 % ne les con­sid­èrent pas indépendants). 

Là encore, la crise du Covid-19 a pu jouer un rôle dans la per­cep­tion néga­tive des sci­en­tifiques. On a pu voir un grand nom­bre de sci­en­tifiques inter­rogés sur les plateaux de télévi­sion et chaînes d’information en con­tinu au sujet de la crise et cette médi­ati­sa­tion des sci­en­tifiques pen­dant plus d’une année a peut-être eu une inci­dence sur la pro­por­tion rel­a­tive­ment faible de Français con­sid­érant les sci­en­tifiques comme indépen­dants : à par­tir du moment où les sci­en­tifiques sont entrés dans le champ des infor­ma­tions courantes, en col­lab­o­ra­tion étroite avec le pou­voir dans le cadre de la ges­tion de la crise san­i­taire, leur indépen­dance a pu être remise en cause par une cer­taine par­tie de la pop­u­la­tion, plus défi­ante vis-à-vis des autorités. 

1Méthodolo­gie : L’enquête a été menée auprès d’un échan­til­lon de 1 003 per­son­nes, représen­tatif de la pop­u­la­tion française âgée de 18 ans et plus. La représen­ta­tiv­ité de l’échantillon a été assurée par la méth­ode des quo­tas (sexe, âge, pro­fes­sion de la per­son­ne inter­rogée) après strat­i­fi­ca­tion par région et caté­gorie d’agglomération. Les inter­views ont été réal­isées par ques­tion­naire auto-admin­istré en ligne, du 16 au 19 août 2022. 

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