Share electric bikes parked on the sidewalk, Hangzhou
π Énergie π Planète π Industrie
Transition énergétique : recycler les matériaux pour préserver les ressources

Quel bilan carbone pour les vélos électriques ?

Anne De Bortoli, chercheuse en carboneutralité à Polytechnique Montréal
Le 5 décembre 2023 |
4 min. de lecture
Anne de bortoli
Anne De Bortoli
chercheuse en carboneutralité à Polytechnique Montréal
En bref
  • Le marché du vélo à assistance électrique (VAE) est en pleine croissance, d’ici 2030 près de 55 % des vélos vendus en Europe seront électriques.
  • L’empreinte carbone de ce mode de transport est moindre : en moyenne 13 g CO2e/km parcouru contre 60 à 75 g de CO2e/km parcouru pour une voiture citadine électrique.
  • La plus grande partie (94 %) de l’émission de GES du VAE vient de sa fabrication, notamment de la fabrication du cadre en aluminium.
  • Le VAE le plus sobre énergétiquement est obtenu par « rétrofit », c’est-à-dire en transformant un vélo musculaire de seconde main.
  • Pour réduire davantage son bilan carbone, plusieurs solutions sont à envisager (alternatives à l’aluminium, différents types de batteries…)

Les vélos à assistance électrique (VAE) ont le vent en poupe : en 2020, 20 % des vélos européens vendus – soit 4,5 millions – sont électriques, et cette part devrait atteindre 55 % d’ici 20301. Alors entrons dans le vif du sujet : est-ce un problème pour le climat ?

Com­paré à de nom­breux autres modes de trans­port… Bien sûr que non ! En France, l’empreinte car­bone du vélo élec­trique s’élève en moyenne à 13 grammes de CO2 équiv­a­lent (CO2e) par kilo­mètre par­cou­ru, si le véhicule est util­isé pen­dant 20 000 km. Ce chiffre représente l’ensemble du cycle de vie du vélo : sa fab­ri­ca­tion, son util­i­sa­tion, son entre­tien et sa fin de vie. L’ensemble des gaz à effet de serre (GES) émis sont inclus – c’est pourquoi nous par­lons de CO2 équiv­a­lent. L’impact du VAE est légère­ment supérieur à celui du vélo mus­cu­laire, dont l’empreinte car­bone s’élève à 10 à 12 g de CO2e/km par­cou­ru.

Mais ces mobil­ités sont par­mi les plus per­for­mantes sur l’ensemble des fac­teurs envi­ron­nemen­taux. En France, l’empreinte car­bone du train élec­tri­fié est éval­uée à env­i­ron 35 g de CO2e/km par­cou­ru par pas­sagers. On grimpe à 60 – 75 g de CO2e/km par­cou­ru pour une voiture cita­dine élec­trique. Les voitures ther­miques et l’avion dépassent la barre des 100 g CO2e/km par­cou­ru. Seuls la marche (1 à 2 g de CO2e/km par­cou­ru) et le métro et RER parisiens (8 à 10 g de CO2e/km par­cou­ru) sont plus per­for­mants que le vélo. On estime que l’achat et l’utilisation d’un VAE en France présente un meilleur bilan car­bone que l’usage de la voiture ther­mique en ville dès lors qu’on par­court plus de 1 000 km avec son VAE avant de le recycler.

Ces bons résultats du VAE en France ne s’expliquent-ils pas par notre mix électrique peu carboné ?

En tra­vail­lant sur le sujet il y a 7 ans, j’ai con­staté que l’empreinte liée à l’usage des micro-mobil­ités élec­triques était mul­ti­pliée par trois en Chine. Depuis, le mix élec­trique chi­nois s’est bien décar­boné et la dif­férence est plus faible, mais reste notable. En Alle­magne, la pro­duc­tion élec­trique émet actuelle­ment 10 fois plus de GES qu’en France. Mais finale­ment, l’impact sur l’empreinte car­bone totale du VAE est mod­éré, car un VAE con­somme peu d’électricité, sa fab­ri­ca­tion représente la majorité des émis­sions de GES sur son cycle de vie. L’empreinte car­bone totale grimpe de 13 g de CO2e/km par­cou­ru en France à 17 g de CO2e /km par­cou­ru en Allemagne.

Pourquoi la fabrication des VAE est-elle la plus grande source d’émissions de GES sur l’ensemble de leur cycle de vie ?

La fab­ri­ca­tion représente 94 % de l’empreinte car­bone totale d’un VAE roulant 20 000 km en France2. Pour un vélo en alu­mini­um de 20 kg (hors assis­tance élec­trique) fab­riqué en Chine, la pro­duc­tion du cadre émet 181 kg de CO2e. La fab­ri­ca­tion de la bat­terie émet 20 kg de CO2e et le moteur 37 kg de CO2e. La plus grande source d’émissions de GES d’un VAE est donc liée à la fab­ri­ca­tion du cadre. En cause : l’aluminium. La Chine est le pre­mier pays pro­duc­teur d’aluminium raf­finé – le pays pro­duit près de la moitié de l’aluminium mon­di­al3. Même si la Chine dimin­ue l’empreinte car­bone de son mix élec­trique, le raf­fi­nage de l’aluminium reste très émet­teur de GES. C’est ce qui pèse le plus dans l’empreinte car­bone d’un VAE. L’assemblage a vrai­ment un impact lim­ité… Un vélo « made in France » n’a donc que peu d’intérêt en ter­mes d’empreinte car­bone sauf si le métal du cadre est raf­finé dans un pays où le mix élec­trique est peu car­boné (ex: alu­mini­um français, québé­cois, islandais…).

L’impact des batteries semble donc négligeable…

Les bat­ter­ies ont mau­vaise presse à cause des voitures élec­triques. Mais dans une voiture élec­trique, on embar­que plusieurs cen­taines de kilos de bat­terie. Celle d’un vélo élec­trique ne pèse que quelques kilos. Les émis­sions de GES générées par ces bat­ter­ies sont très faibles comparativement.

Elles sont cepen­dant dif­fi­ciles à éval­uer pré­cisé­ment. Nous avons analysé une trentaine de pub­li­ca­tions con­cer­nant les bat­ter­ies lithi­um-ion, l’empreinte car­bone par kWh varie d’un fac­teur 10. Nous avons beau­coup d’incertitudes con­cer­nant les con­di­tions d’extraction des métaux à la mine, ain­si que les con­di­tions de raf­fi­nage. Il est dif­fi­cile d’obtenir des don­nées indus­trielles fiables. Cela ne change rien au con­stat : le cadre représente la plus grande part des émis­sions. D’ailleurs, nous pou­vons con­sid­ér­er que le VAE le plus sobre est un vélo mus­cu­laire – sans élec­tric­ité – déjà en util­i­sa­tion, que l’on va équiper d’une assis­tance élec­trique. Cette trans­for­ma­tion de vélo est aus­si appelée rétro­fit. C’est une solu­tion extrême­ment intéres­sante pour éviter la fab­ri­ca­tion d’un nou­veau cadre.

Quelles sont les autres sources d’émissions de GES d’un VAE ?

Cela dépend du pays. La main­te­nance représente env­i­ron 8 % des émis­sions de GES sur l’ensemble du cycle de vie d’un vélo en France. La con­som­ma­tion élec­trique s’élève en moyenne à 1 kWh pour 100 km, soit 0,5 g de CO2e/km par­cou­ru en France (soit env­i­ron 4 % des émis­sions totales du VAE) ou 5 g de CO2e/km en Alle­magne (c’est-à-dire 29 % des émis­sions totales du VAE). Elle dépend bien sûr du vélo, de l’utilisateur, de la topogra­phie et de l’évolution du mix électrique.

Con­cer­nant la fin de vie, le recy­clage des bat­ter­ies et des matéri­aux per­met de réduire l’empreinte car­bone de 6 % en France. Mal­heureuse­ment, aujourd’hui moins de 8 % des bat­ter­ies des VAE sont recyclées.

Est-il possible de réduire l’empreinte carbone des VAE ?

Les dif­férents leviers évo­qués précédem­ment – plus de recy­clage et le rétro­fit des vélos mus­cu­laires – sont des pra­tiques vertueuses en ce sens. Plus un vélo a une durée de vie impor­tante, plus son empreinte car­bone par kilo­mètre par­cou­ru est réduite.

Comme le cadre est l’élément le plus impac­tant, il faut ensuite tra­vailler en ce sens. Il est par exem­ple pos­si­ble de se tourn­er vers des pro­duc­teurs alter­nat­ifs d’aluminium, comme le Québec. Employ­er des matéri­aux alter­nat­ifs comme l’acier et le bois est aus­si un levi­er intéres­sant. Enfin, de nom­breuses recherch­es sont menées sur les bat­ter­ies. Avec des col­lègues, nous éval­u­ons actuelle­ment l’impact de l’emploi d’autres types de bat­ter­ies (comme les bat­ter­ies sodi­um-ion et bat­ter­ies à élec­trolyte solide) sur l’empreinte car­bone des véhicules élec­triques. Les résul­tats sont très encourageants.

Anaïs Maréchal
1Deloitte, 08/2021, Con­sumer sec­tor brief­ing : E‑bikes on the fast track, disponible ici : https://​www2​.deloitte​.com/​c​o​n​t​e​n​t​/​d​a​m​/​D​e​l​o​i​t​t​e​/​d​e​/​D​o​c​u​m​e​n​t​s​/​c​o​n​s​u​m​e​r​-​b​u​s​i​n​e​s​s​/​S​e​c​t​o​r​-​B​r​i​e​f​i​n​g​-​E​-​B​i​k​e​s​-​e​n​g.pdf
2D’après une mise à jour en novem­bre 2023 des don­nées : https://​doi​.org/​1​0​.​1​0​1​6​/​j​.​t​r​d​.​2​0​2​1​.​1​02743
3Site inter­net con­sulté le 24/11/2023 : https://​alucy​cle​.world​-alu​mini​um​.org/​p​u​b​l​i​c​/​g​l​o​b​a​l​/​i​n​d​e​x​.html

Le monde expliqué par la science. Une fois par semaine, dans votre boîte mail.

Recevoir la newsletter