Télésurveillance : comment mieux soigner les patients à domicile
- Un suivi des patients en cancérologie au cours du traitement, loin de l’hôpital, est nécessaire.
- Aujourd’hui, la télésurveillance peut servir à contrecarrer les inconvénients de cette démarche.
- CAPRI, une application de suivi à distance des patients, permet d’accompagner le patient en répondant à ses interrogations.
- Le dispositif permet au patient d'entrer directement en contact avec le personnel soignant qui peut lui fournir les informations nécessaires avec facilité.
- Plusieurs bénéfices ressortent : Un suivi aussi constant du patient permet de limiter l’écart entre la dose nécessaire pour le traiter, et celle initialement prescrite.
Une personne atteinte d’un cancer se voit entamer une séance de traitements aussi lourde que longue. Cette période, qui ne peut qu’être anxiogène pour le malade, est nécessaire à sa prise en charge, mais amène à de nombreux inconvénients. Outre les risques d’hospitalisations injustifiées, les effets de toxicités liés aux traitements et les évolutions de la maladie sont des enjeux de qualité des soins majeurs.
En oncologie, les doses prescrites sont parfois élevées et le patient ne tolère pas toujours les effets secondaires. Un suivi des patients au cours du traitement, loin de l’hôpital, est nécessaire. Aujourd’hui, un domaine, qui peut contrecarrer ces inconvénients, est en train d’émerger : la télésurveillance.
Ce domaine est d’actualité pour bon nombre de maladies : il offre la possibilité d’un suivi médical à distance via une communication numérique. Il est porteur d’espoir et attire bon nombre d’investissements de start-up, mais la littérature fournit très peu d’études mettant en avant les bienfaits de ce type de suivi. Avec mon équipe, nous avons donc entrepris une étude randomisée contrôlée 1, sur un échantillon de 559 patients atteints d’un cancer — tous types confondus —, afin de tester l’efficacité d’un suivi à distance pour une maladie chronique, accompagnée d’une étude longitudinale.
CAPRI, une application de suivi
Traiter un cancer demande de se rendre régulièrement à l’hôpital. Le patient se retrouve donc assez souvent dans un environnement spécialisé à ses besoins. Le traitement par voie orale limite ces visites, mais une fois de retour à la maison, il y a une sorte de rupture qui s’opère, due à un manque d’information. Cela peut provoquer un sentiment d’abandon chez le patient. Afin d’apporter la réponse la plus appropriée, nous avons réalisé une enquête préliminaire pour savoir quels éléments étaient manquants dans cette relation à distance.
De cette enquête est née CAPRI, une application de suivi à distance des patients. Son fonctionnement reste simple, elle permet d’accompagner le patient dans ses interrogations – en le mettant directement en contact avec le personnel soignant – comme dans l’organisation de son traitement. Pour notre étude, le système de communication est mixte, CAPRI permet une communication bilatérale ou symétrique — deux infirmières de coordination sont chargées des échanges —, qui est complétée par des échanges téléphoniques.
Pour évaluer les demandes et y répondre d’une manière efficace, l’infirmière s’appuie sur 80 arbres décisionnels. Le numérique n’est donc que la partie émergée de l’iceberg, c’est le traitement de l’information par les infirmières qui est primordial pour un bon suivi. A contrario de beaucoup d’applications existantes, qui évaluent sans pour autant orienter le patient dans son parcours. Durant l’étude, 77 % des demandes des patients ont été directement traitées par les infirmières sans passer par l’oncologue de référence. Ceci est, certes, dû à une quantité importante de questions ne demandant pas de connaissances approfondies sur la maladie — par exemple ; « Puis-je aller à la piscine avec le traitement ? » —, mais a pour effet direct de soulager le travail, déjà trop important, de l’oncologue référent, et valide la pertinence de l’arbre décisionnel à disposition des infirmières.
Un traitement plus que bénéfique
Pour nous assurer de l’efficacité de ce type de suivi, nous avons établi un échantillonnage randomisé contrôlé sur 559 patients analysés incluant le patient dans le groupe CAPRI ou le groupe contrôle (soins habituels).
Plusieurs bénéfices ressortent de ce type de dispositif de suivi à distance. Un suivi aussi constant du patient permet de limiter l’écart entre la dose nécessaire pour le traiter et celle initialement prescrite (ce que l’on nomme la dose intensité relative). Par ailleurs, un tel dispositif de suivi permet de prévenir les effets de toxicité liés aux traitements. C’est un bénéfice fondamental, car la toxicité, lorsqu’elle devient majeure est souvent irréversible pour le patient. Ensuite, on constate une réduction des visites à l’hôpital. Avec la télésurveillance, les patients sont, en moyenne, hospitalisés 1,5 jour de moins que dans le groupe témoin. De plus, ils passent moins souvent par les urgences. Dernier critère, les patients expriment des expériences plus positives.
Ces bénéfices proviennent évidemment du suivi, mais derrière, il y a la quantité de travail importante que fournissent les infirmières de coordination. Cela pousse au questionnement : Combien de patients par an peuvent être suivis par une infirmière ? D’après notre étude, ce serait environ 125 à 150 patients sur l’année. Pour cela, elle travaille à temps plein, dans des conditions parfois extrêmes. Elle tient un rôle exceptionnel dans la télésurveillance, et c’est son investissement dans ce suivi qui fait une réelle différence.
Finalement, nos résultats nous amènent à dire que ce type de suivi marche. On estime que c’est l’ensemble du design qui a fonctionné : l’organisation assumée par les infirmières et l’omniprésence du numérique. Un tel design est issu d’un partage d’expertise clinique et en sciences de gestion. Avec ces éléments de réponses déjà présents, reproduire le design pour d’autres types de suivi pourrait se faire.