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Les innovations numériques au service de la santé

Comment le numérique personnalise le parcours de soins

Etienne Minvielle, directeur de recherche CNRS et professeur en management de la santé au sein du Centre de recherche en gestion de l’Institut interdisciplinaire de l'innovation (I³-CRG*) et Alexis Hernot, co-fondateur et directeur général de Calmedica
Le 7 novembre 2023 |
4 min. de lecture
Etienne Minvielle
Etienne Minvielle
directeur de recherche CNRS et professeur en management de la santé au sein du Centre de recherche en gestion de l’Institut interdisciplinaire de l'innovation (I³-CRG*)
Alexis Hernot
Alexis Hernot
co-fondateur et directeur général de Calmedica
En bref
  • Le numérique permet une innovation exponentielle dans le domaine de la santé.
  • Le suivi à distance permis par le digital favoriserait une meilleure qualité du parcours de soin des patients.
  • Ces suivis automatisés et numérisés aident à prévenir les effets de toxicité d’un médicament, personnaliser le parcours de soin selon le patient et espacer ses déplacements à l’hôpital.
  • A terme, ces avantages serviraient à répondre à des enjeux majeurs des structures hospitalières en désengorgeant les urgences et en palliant la pénurie de soignants.
  • Ces systèmes libéreraient 90 % du temps d’un infirmier, permettant ainsi d’améliorer la qualité et la quantité de prise en charge des patients.

Depuis qu’une util­i­sa­tion mas­sive du numérique s’est implan­tée, l’innovation dans le secteur de la san­té est expo­nen­tielle. Un monde con­nec­té comme le nôtre per­met des pro­grès tech­nologiques mais peut aus­si ouvrir les portes à un tout autre type d’avantages passés longtemps inaperçus. « Le numérique a de nom­breux impacts posi­tifs sur le secteur de la san­té, affirme Éti­enne Min­vielle, directeur de recherche CNRS et pro­fesseur en man­age­ment de la san­té de I³— CRG. Il per­met un suivi à dis­tance du patient, tout en ren­forçant son autonomie dans sa prise en charge, car il peut plus facile­ment se mou­voir et con­tac­ter un sys­tème hos­pi­tal­ier. »

Selon des études dirigées par le pro­fesseur, le numérique assure une meilleure qual­ité du par­cours de soin. Au tra­vers de cette télé­sur­veil­lance, « la san­té dig­i­tale est quelque chose en très fort développe­ment depuis quelques années, atteste Alex­is Her­not, co-fon­da­teur de Calmed­ica. Et la France veut en devenir le leader européen. » Face aux avan­tages que cette « e‑santé » peut apporter au monde médi­cal, Alex­is Her­not en est per­suadé : « Le numérique est passé d’une men­ace à une for­mi­da­ble oppor­tu­nité. »

Un atout organisationnel

« Il y a une ques­tion d’organisation qui est assez fon­da­men­tale quand on par­le du numérique et des inno­va­tions tech­nologiques en san­té, insiste Éti­enne Min­vielle. Il faut donc savoir tout de suite le remet­tre dans ce con­texte organ­i­sa­tion­nel. » C’est dans ce con­texte que le pro­fesseur a mené une étude à l’hôpital Gus­tave Roussy. Après la mise en point d’un sys­tème de com­mu­ni­ca­tion, nom­mé CAPRI, le suivi de patients atteints de can­cer ayant un traite­ment oral pou­vait se faire plus facile­ment à dis­tance. « En oncolo­gie, par exem­ple, les patients passent plus de 90 % de leur temps en dehors de l’hôpital, explique-t-il. Il est impor­tant de savoir ce qui s’y passe, au tra­vers d’un ensem­ble d’acteurs qu’il faut coor­don­ner le long du par­cours afin que cela se passe le mieux pos­si­ble pour le patient. »

Par un tel suivi, de nom­breux avan­tages appa­rais­sent : « On arrive à prévenir les effets de tox­i­c­ité des médica­ments, ajoute le pro­fesseur, grâce à une meilleure pre­scrip­tion de ces derniers. Par­al­lèle­ment, les patients sont plus con­tents et on a mon­tré que cela évi­tait des venues à l’hôpital dans des pro­por­tions à chaque fois sta­tis­tique­ment sig­ni­fica­tives. D’autant que, lorsqu’ils passent tout de même à l’hôpital, ils passent moins sou­vent par les urgences. Ce qui est un autre point clef puisque dans les sys­tèmes de san­té mod­ernes, l’engorgement des urgences est un vrai problème. »

Ce type de suivi per­met égale­ment de per­son­nalis­er le par­cours de soin du patient. Un peu à l’image des algo­rithmes de sug­ges­tion des plate­formes de stream­ing, cela per­me­t­tra aux soignants de mieux con­naître ses habi­tudes de vie et, donc, de mieux l’orienter dans son par­cours. « On addi­tionne une con­nais­sance sur des déter­mi­nants socio-économiques avec ceux du com­porte­ment du patient, développe Éti­enne Min­vielle. Un patient seul n’aura pas du tout la même prise en charge qu’un patient accom­pa­g­né de sa famille. En ce qui con­cerne le com­porte­ment du patient, il est impor­tant de savoir si ce dernier est anx­ieux, s’il est motivé à pren­dre ses médica­ments, ou bien s’il a des pas­sages déli­cats. » Les travaux d’Étienne Min­vielle n’en sont encore qu’au stade expéri­men­tal, mais leurs résul­tats restent prometteurs.

Une pénurie de soignants en besoin de remède

Un sys­tème de suivi à dis­tance sim­i­laire a déjà vu le jour, sous le nom de Calmed­ica. « Une régu­la­tion de la Haute Autorité de san­té demande que les patients en chirurgie ambu­la­toire soient appelés la veille et le lende­main de leur opéra­tion, explique Alex­is Her­not. Avec la pénurie de soignants actuelle, ces appels, qui sont très chronophages, nous ont poussés à la créa­tion de Calmed­ica. » L’ancien poly­tech­ni­cien et sa col­lab­o­ra­trice ont ain­si imag­iné un sys­tème automa­tisé afin de rem­plac­er ces appels. Ce sys­tème, pas­sant par l’envoi de SMS, com­mu­ni­quera les con­signes au patient avant l’opération et lui deman­dera son état de san­té après.

« Depuis le début de la Covid, un prob­lème dans le secteur de la san­té s’est accen­tué : la pénurie de soignants, con­state-t-il. Le nom­bre de postes vacants à l’hôpital a donc aug­men­té. » Un out­il automa­tisé com­mu­ni­cant avec le patient facilite le suivi de son par­cours de soin. « Quand vous avez 40 patients par jour, vous passez 6 à 7 heures par jour pour les con­tac­ter, ajoute Alex­is Her­not. Il faudrait donc une infir­mière à temps plein pour cette sim­ple tâche. »

Le logi­ciel de Calmed­ica utilise ain­si des arbres déci­sion­nels pour com­mu­ni­quer avec les patients par SMS. « Un tel sys­tème arrive à libér­er 90 % du temps infir­mi­er, développe-t-il. Ce temps est util­isé pour amélior­er la qual­ité des soins, mais per­met aus­si la prise en charge de plus de patients tout en réduisant la file d’attente. » De plus, son util­i­sa­tion a été sim­pli­fiée au max­i­mum : « Le sys­tème que l’on a fait est sim­ple, assure-t-il. On n’a pas besoin de for­mer les patients, car on leur dit : vous allez recevoir des SMS, s’il y a des ques­tions, il faut y répon­dre. Et pour les soignants, on leur dit : vous avez un tableau de bord et si une chose a été sig­nalée, il y aura un point rouge à la ligne qui cor­re­spond au patient. »

Pablo Andres

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