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Métavers : l’espoir, les promesses et les inconnus

Métavers : ce qu’en disent les sciences cognitives

Jean Zeid, Journaliste
Le 6 juillet 2022 |
5 min. de lecture
Clément Merville
Clément Merville
ingénieur en informatique et président de Manzalab
En bref
  • Le concept de métavers ne date pas d’hier et a déjà été exposé bien avant que Mark Zuckerberg le fasse. En effet, c’est en 1992 que l’écrivain Neal Stephenson évoque pour la première fois l’idée d’un métavers.
  • La définition du métavers est, en réalité, beaucoup plus simple. Il s’agit d’un univers virtuel persistant, ouvert en permanence donc, où chaque individu/avatar peut se rendre pour se retrouver en compagnie d’autres personnes.
  • Le métavers s’appuie en effet sur ce que l’on appelle en sciences cognitives la « présence virtuelle ». Il doit recréer un sentiment de présence bien réel dans un environnement virtuel.
  • Ce sentiment repose sur 3 piliers. Le premier est le sentiment de présence de soi dans l’univers, le second, le sentiment de présence spatiale et enfin le troisième consiste à créer l’impression de la présence des autres, c’est le sentiment de communauté.

Si le métavers est autant à la mode depuis moins d’un an, c’est que Mark Zucker­berg, le fon­da­teur et prési­dent de Face­book, a com­mu­niqué tous azimuts sur le sujet. En réal­ité, ce con­cept date de 1992, depuis que l’écrivain améri­cain Neal Stephen­son en a dess­iné les con­tours dans un roman de sci­ence-fic­tion inti­t­ulé Le Samouraï virtuel. Métavers vient de « meta » qui sig­ni­fie « au-delà » en grec, vers cor­re­spon­dant à univers.

Facebook et son métavers

Un métavers, c’est donc ce qui englobe tous les univers virtuels. Quand Mark Zucker­berg évoque le sujet, il en livre évidem­ment sa vision, une direc­tion où tous les univers virtuels, y com­pris des métavers déjà exis­tants, se retrou­veraient inclus dans le sien. C’est une per­spec­tive qui ne se con­cré­tis­era peut-être jamais, car une telle com­pat­i­bil­ité entre tous les mod­èles de métavers met­trait des années à aboutir — si elle aboutit un jour. Il y a, par exem­ple, peu de chance que l’internet chi­nois devi­enne com­pat­i­ble avec un seul univers virtuel, celui de Facebook/Meta.

À mes yeux, il y a deux biais prin­ci­paux à ce futur dess­iné par Mark Zucker­berg. Le pre­mier tra­vers porte sur les bases d’un pro­jet basé sur l’audience, la pub­lic­ité, les NFT et le jeu vidéo. Avant d’être un film signé du réal­isa­teur Steven Spiel­berg, Ready Play­er One est un roman d’anticipation signé de l’auteur Ernest Cline. Quelques mois avant de pub­li­er son livre, l’auteur a voulu con­fron­ter sa vision du métavers avec celle qui se pro­fi­lait dans le milieu des start-up cal­i­forni­ennes. Il est allé à la ren­con­tre de Mark Zucker­berg d’une part, et de Palmer Luck­ey d’autre part, le jeune créa­teur de la société Ocu­lus qui venait de remet­tre au goût du jour la tech­nolo­gie des casques de réal­ité virtuelle grâce à la puis­sance de cal­cul du moment. Ernest Cline a ajusté les car­ac­téris­tiques du métavers décrit dans son roman après ces deux ren­con­tres. L’année suiv­ante, Face­book rachetait la société Ocu­lus pour deux mil­liards de dol­lars. Le pro­jet de créa­tion d’un métavers ludique et lucratif existe à la tête de la société améri­caine depuis déjà longtemps.

Le deux­ième biais se situe dans le dis­cours de Mark Zucker­berg, quand il donne l’impression qu’il faut absol­u­ment un casque de réal­ité virtuelle pour entr­er dans le métavers. On com­prend évidem­ment pourquoi, puisqu’il a désor­mais des casques VR à écouler. Mais en réal­ité, il n’y aucun préreq­uis en la matière. Pour entr­er dans un métavers, il suf­fit d’un écran plat con­nec­té (accès web PC ou Mac, mobile, etc.), d’une sim­ple caméra inté­grée et d’un avatar. Du reste, l’industrie des jeux vidéo n’a pas atten­du les casques de réal­ité virtuelle pour créer des expéri­ences immersives.

Rien qu’un monde virtuel

La déf­i­ni­tion du métavers est, en réal­ité, beau­coup plus sim­ple. Il s’agit d’un univers virtuel per­sis­tant, ouvert en per­ma­nence donc, où chaque individu/avatar peut se ren­dre pour se retrou­ver en com­pag­nie d’autres per­son­nes qui sont elles-mêmes dis­tantes les unes des autres. Voilà la promesse du métavers. Pour la tenir, il n’y a pas besoin de casques, mais des sci­ences cog­ni­tives. Le métavers s’appuie en effet sur ce que l’on appelle en sci­ences cog­ni­tives la « présence virtuelle ». Il doit recréer un sen­ti­ment de présence bien réel dans un envi­ron­nement virtuel. Ce sen­ti­ment repose sur trois piliers.

Le pre­mier, c’est le sen­ti­ment de présence de soi dans cet univers. Les études sci­en­tifiques prou­vent que plus l’avatar nous ressem­ble, plus facile­ment et plus rapi­de­ment nous nous incar­nons dans ce monde virtuel. Avec Man­za­l­ab, nous avons créé la plate­forme Teemew, un cor­po­ratif métavers spé­cial­isé dans le monde de l’entreprise et des for­ma­tions. Dans Teemew, nous avons inté­gré un mod­ule où l’on peut, à par­tir d’un sim­ple self­ie, créer un avatar 3D pho­toréal­iste très rapi­de­ment et aisé­ment, gage de réus­site dans cette recherche de présence de soi.

© Teemew, Manzalab

Le deux­ième pili­er du métavers, c’est le sen­ti­ment de présence spa­tiale, c’est-à-dire avoir con­science de l’environnement dans lequel l’avatar se trou­ve. Ce que pré­conisent encore les sci­ences cog­ni­tives, c’est qu’il doit être réal­iste, le plus crédi­ble pos­si­ble. Cela néces­site par­fois de tra­vailler avec de véri­ta­bles archi­tectes pour établir une cor­re­spon­dance avec le monde réel. Bien sûr, il est tout à fait pos­si­ble de réu­nir des avatars sur le sol de Mars, mais ce serait con­tre-pro­duc­tif, car l’attention des par­tic­i­pants serait alors détournée par cet envi­ron­nement dissonant.

Enfin, le troisième et dernier pili­er con­siste à créer l’impression de la présence des autres, celle du sen­ti­ment de com­mu­nauté, et elle se base sur les moyens de com­mu­ni­ca­tion mis à la dis­po­si­tion des par­tic­i­pants. Pour­tant, il faut être clair : jamais nous ne pour­rons attein­dre l’intensité du sen­ti­ment de présence du monde réel. Mais nous pou­vons nous en approcher en ren­dant la com­mu­ni­ca­tion la plus naturelle pos­si­ble et en retrou­vant le sens de l’informel. Par exem­ple, lorsque se ter­mine une réu­nion en visio sur Zoom ou Teams avec six à huit per­son­nes, tout le monde se télé­porte générale­ment à un autre meet­ing. Dans le monde réel, il y a tou­jours un échange de quelques mots entre les par­tic­i­pants. C’est cet informel que nous recréons dans le métavers. Et les sci­ences cog­ni­tives tra­vail­lent déjà sur le sujet depuis longtemps.

Monde virtuel, fatigue réelle

Ces out­ils de visio­con­férence ont été pour la pre­mière fois mas­sive­ment util­isés à la suite de la crise du COVID-19. Les con­séquences pos­i­tives et néga­tives ont été nom­breuses. Les sci­ences cog­ni­tives étu­di­ent par exem­ple de très près le syn­drome du Zoom fatigue, cette sen­sa­tion d’épuisement que l’on peut ressen­tir après avoir passé un grand nom­bre d’appels vidéo. Au-delà de la fatigue, le cerveau retient égale­ment moins bien les infor­ma­tions par rap­port au tra­vail en présen­tiel, que rien ne pour­ra con­cur­rencer à mes yeux. Mais dans ce nou­veau monde qui se pro­file, nous nous déplacerons sans doute moins et il fau­dra s’adapter. Le métavers est une solu­tion pour recréer de la présence, la sienne et celle des autres, grâce aux mon­des virtuels. Enfin, ce métavers pro­duit dix fois moins de gaz à effet de serre que les solu­tions clas­siques de visio­con­férence. La rai­son est toute sim­ple : toutes les images néces­saires à la créa­tion des envi­ron­nements dans le métavers sont cal­culées locale­ment, directe­ment sur la machine de l’utilisateur. Les seules infor­ma­tions qui passent par le réseau, le cœur de la pro­duc­tion des émis­sions de gaz à effet de serre, sont alors min­imisées. De quoi don­ner à ce métavers qui se pro­file d’autres car­ac­téris­tiques que la pub­lic­ité ou les NFT.

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