Déchets nucléaires : comment surveille-t-on les sites ?
- En France, toute installation contenant des déchets nucléaires doit avoir un pôle de compétence avec un personnel qualifié et formé.
- L’inspection des centres de traitement des déchets radioactifs consiste à assurer le bon respect de la réglementation ainsi que la mise en place de bonnes pratiques. Elle permet également de suggérer des améliorations dites mineures.
- La France est l’un des états membres de l’Union européenne les plus stricts en matière de gestion des déchets radioactifs.
- Les autres types de déchets sont ceux des petits producteurs (5 % des déchets radioactifs). Des réglementations ont été mises en place, de façon à ce que l’Agence nationale de gestion des déchets radioactifs (l’Andra) puisse les traiter.
Pour tout type d’inspection des centres de traitement des déchets radioactifs, il y a un certain nombre de points à vérifier — par exemple, la façon dont est gérée l’exposition du personnel et des tiers de passage sur le site pour livrer les colis de déchets. Les inspecteurs regardent également comment est réalisé le zonage et comment est assuré le respect des éléments de sûreté.
Par le passé, les grandes installations de ce type nécessitaient ce que l’on appelle des services de radioprotection compétents. Aujourd’hui, avec les nouvelles réglementations, le vocable a légèrement évolué, mais la philosophie reste la même : toutes les installations, dans lesquelles il y a des déchets nucléaires (appelées installations nucléaires de base), doivent avoir un pôle de compétence avec un personnel qualifié et formé.
Les inspecteurs nucléaires observent comment ce pôle est organisé, c’est-à-dire la mission qu’il doit remplir et les aspects de cette organisation qui peuvent être améliorés. Un inspecteur doit rester factuel lors de l’inspection d’un site : si nous remarquons quelque chose de mauvais dans la gestion de déchets, nous devons le dire. Pareillement, si nous avons constaté une bonne pratique sur un site, c’est intéressant de la signaler afin que d’autres sites puissent en profiter.
Trois niveaux d’actions
Il existe trois niveaux d’actions que nous pouvons entreprendre à la suite d’une visite. Le premier est une action corrective, c’est celle que nous demandons au site en cas de non-respect de la réglementation — d’un article de décret ou d’un arrêté particulier. Si un décret n’est pas assez précis, nous prenons un texte supplémentaire, qui est un arrêté ou d’une décision prise par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Si jamais il y a un écart constaté par rapport à ces textes, alors nous demandons qu’une action corrective soit menée.
Le second est une demande de complément d’information, lorsque nous faisons le constat que le site n’adhère pas à de bonnes pratiques réalisées ailleurs, par des exploitants d’autres sites. Dans ce cas, nous leur demandons de changer leur manière de travailler.
Le dernier niveau concerne les suggestions d’améliorations mineures, des observations, liées à de légers écarts par rapport à la réglementation ou aux bonnes pratiques.
Le débriefing est important
Après une visite, il y a un débriefing, que les inspecteurs doivent toujours réaliser. C’est le moment de jouer « cartes sur table » en quelque sorte et d’annoncer ce qui sera dans la lettre de suite. Le rapport de suivi doit être conforme au débriefing oral.
Il se trouve que la France est l’un des États membres de l’Union européenne les plus stricts en matière de gestion des déchets radioactifs. Pour vous donner une idée de la philosophie adoptée, nous ne tolérons pas qu’un objet ayant pénétré dans une installation nucléaire, dans laquelle il existe un risque de dispersion ou de contamination, soit rejeté dans les filières classiques de déchets.
Il se trouve que la France est l’un des États membres de l’Union européenne les plus stricts en matière de gestion des déchets radioactifs.
Contrairement à d’autres états membres de l’Union, il n’existe pas de « seuils de libération ». L’Allemagne, la Belgique et l’Espagne, par exemple, appliquent la directive européenne — les valeurs en becquerels totaux, ou en becquerels par gramme (activité massique), en dessous desquelles les déchets peuvent être rejetés dans le cycle normal. Ce qui s’explique par le fait que l’activité des radionucléides présents dans les déchets est considérée comme si faible qu’elle n’a aucun impact sur la santé humaine ou l’environnement. Cela vient de changer, ce 14 février 2022, après la publication de deux décrets qui concernent des matières métalliques valorisables, mais légèrement contaminées.
À la suite d’un rapport écrit, nous envoyons la lettre de suite et le destinataire dispose de deux mois pour répondre et mettre en œuvre nos demandes. S’il choisit de ne pas le faire, nous lui adressons alors une mise en demeure. Si celle-ci est ignorée, nous pouvons suspendre l’activité du site (ce qui n’arrive pas très souvent, heureusement).
La lettre de suivi est rendue publique et publiée sur le site internet de l’ASN. Le dernier gros événement en France s’est passé à l’hôpital d’Épinal dans les années 2005 – 2006, où il y a eu plusieurs cohortes de patients surexposées à la radioactivité. Certains patients sont décédés. Cette situation a effectivement mérité inspection, plainte, action en justice, procès, et condamnation.
D’autres déchets
Dans cet article, nous avons principalement parlé de déchets liés aux exploitants nucléaires, parce que cette catégorie représente aujourd’hui, 95 % des déchets en France. Mais, il reste 5 % de déchets dits de petits producteurs, qui quant à eux viennent d’autres horizons. Nous avons en particulier tous les instituts de recherche qui utilisent des sources non scellées et des sources en général liquides. Ces organismes sont tenus de restituer tout déchet à base de tritium et de carbone-14 — ayant subi des périodes de radioactivité supérieures à 100 jours — à l’Agence nationale de gestion des déchets radioactifs (l’Andra). Cette catégorie de déchet représente un faible volume, mais elle existe tout de même.
Il faut savoir aussi qu’un certain nombre d’entités en France est autorisé à utiliser ce genre de sources radioactives. C’est le cas par exemple chez Sanofi Pasteur, l’Inra, l’Inserm, le laboratoire de la police scientifique. Dans certains cas, ces entités sont tenues de faire reprendre leurs déchets par l’Andra, même s’ils prennent un petit volume pas très irradiant.
Enfin, il y a une dernière catégorie plus grand public : tous les objets anciens qui contenaient du radium doivent être récupérés. Vous avez effectivement toute l’industrie horlogère, d’autres petits objets qui contiennent de la radioactivité, soit artificielle, soit naturelle. Nous avons tous vu ce genre d’objets dans des brocantes et nous en avons peut-être chez nous.