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Transition énergétique : il reste des pistes encore largement sous-exploitées

La transition énergétique peut-elle réussir ? 

Olivier Sala, vice-président du groupe ENGIE, en charge de la recherche et de l’innovation et Jordi Badosa, directeur technique du centre interdisciplinaire Energy4Climate dans le Laboratoire de Météorologie Dynamique (LMD) à l'École polytechnique (IP Paris)
Le 18 octobre 2023 |
3 min. de lecture
Olivier Sala
Olivier Sala
vice-président du groupe ENGIE, en charge de la recherche et de l’innovation
Joris Badosa
Jordi Badosa
directeur technique du centre interdisciplinaire Energy4Climate dans le Laboratoire de Météorologie Dynamique (LMD) à l'École polytechnique (IP Paris)
En bref
  • L’urgence climatique nécessite de travailler en simultané sur diverses solutions techniques, qu’il faudra combiner pour décarboner nos émissions.
  • Inciter à la sobriété énergétique, développer les énergies renouvelables, capturer le CO2 atmosphérique… Les leviers d’actions sont multiples.
  • La France est le 3ème producteur d’énergie solaire, toutefois cette énergie ne représente aujourd’hui que 3 % de la consommation énergétique des Français.
  • Dans l’idée de déployer massivement l’énergie photovoltaïque, il faudrait installer à des endroits variés, de nouveaux panneaux plus performants à 90 % recyclables.
  • De nouvelles pistes prometteuses explorées comme l’installation de panneaux sur des lacs ou l’agri-voltaïsme.

Bas­culer vers un monde décar­boné, c’est l’objectif de l’Europe à l’horizon 2050. « Le réchauf­fe­ment de la planète devrait attein­dre 1,5 °C  en 2030, sans doute plus de 3 degrés voir 3,5 degrés en 2100, nous serons donc bien­tôt sur des ampli­tudes ingérables, estime Olivi­er Sala vice-prési­dent d’Engie en charge de la recherche et de l’innovation. L’urgence cli­ma­tique ne nous per­met pas d’attendre davan­tage. Mais après des décen­nies de déni, il ne faudrait pas céder à l’abattement. Nous avons un devoir d’optimisme qui nous oblige à pass­er à l’action ».  

Décarboner nos activités

Com­ment faire, alors ? D’abord en réduisant notre con­som­ma­tion d’énergie au niveau européen d’au moins 30 à 50 %. Ce qui passe par des poli­tiques inci­tant à la sobriété. Ensuite en élec­tri­fi­ant le max­i­mum d’activités humaines, avec une énergie décar­bonée, renou­ve­lable, éoli­enne et solaire notam­ment. Troisième piste : le recours à des molécules bas car­bone, qui seront soit d’origine biologique (déchets ali­men­taires ou agri­coles par exem­ple), soit pro­duites à par­tir d’hydrogène. Cet hydrogène, obtenu par élec­trol­yse de l’eau, à la dif­férence de l’hydrogène issu d’hydrocarbures, n’est pas polluant.

« Si l’on souhaite des émis­sions qui aient une empreinte car­bone nulle, il faut que le CO2 émis provi­enne de sources biogéniques, comme la méthani­sa­tion, une tech­nolo­gie basée sur la dégra­da­tion par des micro-organ­ismes de la matière organique, en con­di­tions con­trôlées et en l’absence d’oxygène, pour­suit Olivi­er Sala. Autre pos­si­bil­ité : cap­tur­er le CO2 dans l’air. D’importants investisse­ments sont engagés sur cette tech­nolo­gie, mais ils ne porteront pas leurs fruits avant une dizaine d’années au moins ».

Lesquelles de ces pistes sont priv­ilégiées par Engie ? Toutes sont intéres­santes et doivent être étudiées en même temps, car il n’y aura pas une solu­tion mir­a­cle pour arriv­er à la décar­bon­a­tion de nos émis­sions, mais des solu­tions tech­niques divers­es qu’il fau­dra com­bin­er selon les sit­u­a­tions locales. Le défi est aus­si de ren­forcer la capac­ité de l’Europe à se pro­cur­er les matières pre­mières indis­pens­ables pour la fab­ri­ca­tion des com­posants (cobalt et lithi­um notam­ment) et à encour­ager l’innovation indus­trielle sur ces nou­velles énergies.

Solaire : une piste européenne

Après l’Allemagne et l’Italie, la France est le troisième pro­duc­teur d’énergie solaire, mais le solaire ne représente que 3 % de la con­som­ma­tion d’énergie des Français, donc la marge de pro­gres­sion de ce secteur est très impor­tante. Elle pour­ra se faire non seule­ment en mul­ti­pli­ant le nom­bre de pan­neaux pho­to­voltaïques, mais aus­si en diver­si­fi­ant les sur­faces où les installer, et bien sûr en amélio­rant leurs per­for­mances. C’est plus par­ti­c­ulière­ment sur ce sujet que tra­vaille Jor­di Badosa, directeur de recherch­es à l’École poly­tech­nique (IP Paris) et directeur tech­nique du Cen­tre Inter­dis­ci­plinaire Energie4Climate (E4C).

Il développe à l’observatoire de recherch­es atmo­sphériques SIRTA (Site Instru­men­tal de Recherch­es par Télédé­tec­tion Atmo­sphérique) des plate­formes instru­men­tales d’expérimentation per­me­t­tant de tester les con­di­tions plus ou moins favor­able à la pro­duc­tion d’énergie des pan­neaux pho­to­voltaïques. Objec­tif : déploy­er mas­sive­ment l’énergie solaire à l’échelle d’un quarti­er ou d’une ville. 

Nouveaux usages du photovoltaïque

De nou­velles pistes sont à l’étude, comme par exem­ple l’agri-voltaïsme, qui con­siste à com­bin­er une pro­duc­tion d’énergie solaire avec une pro­duc­tion agri­cole. Des instal­la­tions sont en test au-dessus de cul­tures qui ont besoin de peu de soleil (salades notam­ment), avec des pan­neaux qui peu­vent s’orienter et laiss­er pass­er plus ou moins de lumière selon les moments de la journée et les péri­odes de l’année. En cas de sécher­esse, de tels pan­neaux peu­vent en out­re pro­téger le sol de l’évaporation. Les lacs seraient égale­ment de bons sup­ports à l’installation de pan­neaux solaires, car plus ceux-ci sont chauds moins ils pro­duisent d’énergie. Flot­tants, ils béné­fi­cient d’un effet de rafraîchisse­ment naturel. 

D’importants pro­grès ont aus­si été faits sur le recy­clage des dif­férentes matières com­posant les pan­neaux pho­to­voltaïques, qui seraient désor­mais recy­clables à 90 % ce qui est essen­tiel dès que l’on envis­age des tech­nolo­gies durables.

Reste la ques­tion prob­lé­ma­tique de l’intermittence de l’énergie solaire. Mais out­re les recherch­es menées sur le stock­age, Jor­di Badosa pense comme Olivi­er Sala que l’avenir réside dans un mix énergé­tique, com­prenant notam­ment des solu­tions à base d’hydrogène vert. 

Enfin, pour réus­sir la tran­si­tion énergé­tique, « il fau­dra que ces éner­gies soient non seule­ment accep­tées, mais surtout désirées par les con­som­ma­teurs », con­clue Olivi­er Sala. 

Marina Julienne

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