L’écoconception consiste à prendre en compte les aspects environnementaux dans la conception d’un produit, une démarche applicable aux bâtiments. Au-delà du bilan carbone, il convient de prendre en compte les impacts sur la santé, la biodiversité et les ressources naturelles. Le choix des matériaux influence les besoins énergétiques d’un bâtiment. Il faut donc optimiser l’ensemble du cycle de vie, de la fabrication à la fin de vie.
Les logiciels d’écoconception
Pour répondre à ces objectifs, nous développons des outils logiciels pour faciliter le processus de conception. Il est possible de développer un modèle simplifié dans la phase initiale de conception ou d’utiliser une maquette numérique (building information model). Ces outils permettent aux architectes et aux ingénieurs d’optimiser les projets de construction en termes de bilan énergétique, de confort thermique et d’impact environnemental en faisant varier divers paramètres et en analysant le résultat final. Ces paramètres concernent l’enveloppe des bâtiments (isolation et inertie thermique) et les systèmes (chauffage, climatisation, ventilation), mais l’évaluation tient également compte du climat et du comportement des utilisateurs.
Une telle approche d’écoconception progresse dans le secteur du bâtiment. L’objectif est de prendre des décisions pertinentes le plus tôt possible dans le processus de conception d’une construction, car ce sont celles qui auront le plus d’impact sur la performance environnementale d’un projet in fine. C’est pourquoi il est important de disposer de logiciels permettant de comparer facilement différents paramètres architecturaux et techniques, et, par exemple, de choisir l’orientation d’un bâtiment et la surface des fenêtres pour améliorer l’efficacité énergétique. Après cette phase d’esquisse, le choix des matériaux à utiliser dans la construction peut être affiné. Il est, par exemple, préférable, en termes d’impacts environnementaux et de résilience face aux canicules, de constituer une couche inerte en terre crue ou en maçonnerie à l’intérieur et une couche isolante biosourcée à l’extérieur plutôt que de mélanger ces matériaux dans un béton de chanvre ou de bois.
Nous pouvons également comparer les performances d’un projet avec des valeurs de référence que nous avons établis à partir de milliers de calculs afin d’évaluer les impacts minimum et maximum de différents types de bâtiments. Par exemple, nous avons calculé combien de kilogrammes de dioxyde de carbone (CO2) équivalent sont émis par mètre carré et par an par différents bâtiments. Cela nous donne une valeur minimale et maximale pour ce paramètre – par exemple, entre 10 et 120 kg de CO2/m2/an pour les logements. Le concepteur peut alors évaluer comment se situe son projet par rapport à ces valeurs de référence et si – les impacts environnementaux sont trop élevés – il peut continuer à améliorer son projet.
Analyse du cycle de vie
Nous évaluons les impacts sur l’ensemble du cycle de vie d’un bâtiment, de la fabrication des matériaux de construction à l’utilisation, la rénovation et la fin de vie. Il s’agit d’une méthode d’ingénierie environnementale appelée « analyse du cycle de vie ». Si ces calculs sont apparus à la fin des années 1980, ils seront exigés par la loi à partir de 2022 pour tous les nouveaux bâtiments afin de garantir la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il s’agit d’une avancée importante même si certains aspects de la réglementation doivent encore être améliorés.
Outre les émissions de gaz à effet de serre, il faut aussi évaluer l’impact des projets de construction sur la santé humaine, la biodiversité et les ressources environnementales. Ces approches d’évaluation d’impact sont étudiées dans les laboratoires de recherche au niveau international et apparaissent de plus en plus dans les normes, telles que l’ISO et le CEN (Comité européen de normalisation). L’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait ainsi défini un indicateur concernant les années de vie en bonne santé, appelé DALY (Disability adjusted life years, années de vie ajustées sur l’invalidité). Notre approche analogue nous permet d’évaluer l’impact potentiel d’un bâtiment sur la santé en fonction des substances toxiques émises et des conséquences climatiques.
Pour évaluer l’impact potentiel d’un bâtiment sur la biodiversité, l’indicateur que nous utilisons est le pourcentage d’espèces susceptibles de disparaître à cause de ce bâtiment sur un certain territoire et sur une certaine durée. Cet indicateur prend en compte l’effet sur le climat, l’acidification, et l’eutrophisation. Ce dernier phénomène est dû à des substances qui agissent comme des engrais, qui polluent ensuite les rivières et les appauvrissent en oxygène. L’utilisation des sols est également prise en compte.
Bâtiments neufs versus bâtiments anciens
Les nouveaux bâtiments ne représentent chaque année qu’environ 1 % du parc existant. Si nous voulons réduire l’impact environnemental global de la construction, nous devons donc également rénover les bâtiments existants. Cela peut poser problème pour les monuments historiques ou, par exemple, les appartements anciens en ville, dont les façades ne peuvent pas être isolées par l’extérieur. Il faut donc les isoler par l’intérieur, ce qui implique la perte de précieux mètres carrés.
Heureusement, l’écoconception peut être appliquée aux projets de rénovation : nos modèles et nos logiciels fonctionnent aussi bien pour les bâtiments anciens que pour les nouveaux.
En effet, nous avons travaillé sur de nombreux projets dans des secteurs très variés – logements, bureaux, écoles. Nous avons donc eu de nombreuses occasions de tester nos outils et d’évaluer différentes conceptions, que ce soit pour des bâtiments neufs ou anciens. Il appartient ensuite aux bureaux d’études et aux architectes d’intégrer ces outils dans leur travail quotidien.
L’une de nos techniques d’optimisation, basée sur les « algorithmes génétiques », a été utilisé par des constructeurs de maisons individuelles. Cet outil fonctionne un peu comme lorsqu’un agriculteur choisit les meilleurs animaux pour développer son troupeau sur plusieurs générations. Nos « gènes » peuvent être l’épaisseur d’un isolant et la surface du vitrage des fenêtres par exemple. De génération en génération, nous choisissons les combinaisons de gènes qui produisent les meilleures performances en termes d’impact environnemental et de coût de construction, puis nous fournissons nos recommandations aux constructeurs.
Pour aller plus loin
- Peuportier B., Eco-conception des bâtiments et des quartiers, Presses de l’Ecole des Mines, 336p, novembre 2008, http://www.pressesdesmines.com/eco-conception-des-batiments-et-des-quartiers.html
- Wurtz A., Peuportier B., Application de l’analyse de cycle de vie à un échantillon de bâtiments pour l’aide à l’évaluation des projets, Conférence IBPSA-France, Reims, novembre 2020
- Recht T., Robillart M., Schalbart P., Peuportier B., Éco-conception de maisons à énergie positive assistée par optimisation multicritère, Conférence IBPSA France, Marne-la-Vallée , mai 2016