Accueil / Chroniques / Quel est l’impact du changement climatique sur les saisons ?
A bee pollinating a flower
π Planète

Quel est l’impact du changement climatique sur les saisons ?

Jadu dash
Jadu Dash
professeur de télédétection en géographie et sciences de l’environnement à l’Université de Southampton
En bref
  • Le dérèglement climatique et la hausse globale des températures ont bouleversé le rythme des saisons.
  • En trente ans, la période de croissance de la végétation s’est allongée d’environ un mois.
  • Certaines régions de la planète et certains types de végétation sont davantage touchés, comme l’hémisphère nord ou les prairies.
  • Les évolutions du rythme saisonnier affectent tout notre écosystème : les plantes sont plus vulnérables aux sécheresses et aux maladies, et cela menace la biodiversité.
  • Certaines espèces d’arbres ont déjà migré vers des latitudes plus élevées, à la recherche de conditions climatiques plus adaptées.
  • Le futur des saisons est encore difficile à déterminer, puisqu’il dépend grandement des actions mises en place et de l’évolution du climat.

C’est avéré : le dérè­gle­ment cli­ma­tique aug­mente les tem­péra­tures, la fréquence des sécher­ess­es et les phénomènes météorologiques extrêmes. Mais quel est son effet sur les saisons ? 

Observ­er les saisons et leur évo­lu­tion est cru­cial. L’hiver, le print­emps, l’été et l’automne illus­trent le rythme de la végé­ta­tion : le bour­geon­nement, l’apparition des pre­mières feuilles suiv­is de la flo­rai­son puis de la chute des feuilles. Elles con­trô­lent tout et fonc­tion­nent en sym­biose avec tous les élé­ments de notre écosystème.

Depuis treize ans, Jadu Dash étudie l’évolution de la végé­ta­tion au fil du temps dans le monde, à tra­vers des obser­va­tions par satel­lite. Le pro­fesseur de télédé­tec­tion en géo­gra­phie et sci­ences de l’environnement à l’Université de Southamp­ton a accès à une cinquan­taine d’années de don­nées satel­li­taires, lui per­me­t­tant de déter­min­er les vari­a­tions de crois­sance de la végé­ta­tion selon les péri­odes. « Nous util­isons une tech­nique qui con­siste à exam­in­er le degré de ver­dure de la végé­ta­tion d’une zone spé­ci­fique, afin d’identifier le début et la fin de la sai­son de crois­sance », pré­cise le chercheur.

Le printemps en avance, l’automne en retard

Selon ses études, le réchauf­fe­ment cli­ma­tique a boulever­sé la durée des saisons. Le print­emps arrive en avance, en moyenne de quinze jours, et l’automne arrive deux semaines plus tard. En clair, la sai­son de crois­sance de la végé­ta­tion a été ral­longée d’un mois, en moyenne, depuis cinq décen­nies. Ces effets ne sont pas les mêmes partout sur la planète. « Dans l’hémisphère nord, donc en Europe et en Amérique du Nord, nous obser­vons un change­ment de saison­nal­ité beau­coup plus pronon­cé », indique Jadu Dash.

Cette évo­lu­tion des saisons s’explique prin­ci­pale­ment par la hausse des tem­péra­tures. À titre d’exemple, en France, l’année 2022 s’est réchauf­fée de 2,7 °C par rap­port aux années 1961 à 1990. Au print­emps, une tem­péra­ture élevée envoie un sig­nal aux plantes qui déclenche l’éclosion des bour­geons et le déploiement des feuilles. Puis, en automne, la baisse des tem­péra­tures stoppe la végé­ta­tion. Ain­si, selon les travaux du chercheur, la hausse des tem­péra­tures impacte large­ment la sai­son de crois­sance des végétaux. 

L’allongement de la sai­son de crois­sance des plantes a de mul­ti­ples con­séquences sur notre écosys­tème. « La végé­ta­tion reste plus longtemps, et elle est donc plus exposée aux gelées print­anières, aux par­a­sites, aux mal­adies, mais aus­si aux sécher­ess­es pen­dant l’été », relate Jadu Dash. Ses obser­va­tions ont égale­ment démon­tré des décalages entre cer­tains événe­ments biologiques. Les insectes pollinisa­teurs dépen­dent, par exem­ple, des flo­raisons. Quand celles-ci se pro­duisent plus tôt, au moment où ces ani­maux arrivent, il pour­rait ne plus y avoir assez de fleurs pour qu’ils puis­sent se déplac­er et trans­porter le pollen. De la même façon, les oiseaux migra­teurs dépen­dent de la végé­ta­tion, et savent où se nour­rir. « S’ils s’at­ten­dent à trou­ver une cer­taine végé­ta­tion à un endroit don­né, mais qu’elle ne s’y trou­ve pas, parce qu’elle est finie ou en retard, cela pour­rait impacter leur capac­ité de survie », ajoute le professeur.

Des plantes plus vulnérables

L’impact de cette évo­lu­tion dans la saison­nal­ité varie selon les zones géo­graphiques, mais aus­si selon les types de végé­ta­tion. Le pro­fesseur de télédé­tec­tion a remar­qué que les grandes forêts de Russie réagis­sent davan­tage aux change­ments de tem­péra­ture que les forêts de conifères en Europe. Par ailleurs, les prairies, com­posées d’herbes aux racines peu pro­fondes, sont très sen­si­bles aux évo­lu­tions. « Le print­emps arrive plus tôt, elles verdis­sent, per­dent beau­coup d’eau et sont donc plus sen­si­bles à la sécher­esse pen­dant l’été que les arbres des forêts qui sont plus pro­fondé­ment enrac­inés », détaille Jadu Dash.

Lors de son état des lieux pub­lié en octo­bre 2023, l’Institut nation­al de l’information géo­graphique forestière note une aug­men­ta­tion majeure de la mor­tal­ité des arbres, de l’ordre de 80 % entre 2013 et 2021. Est-ce le fruit du change­ment des saisons ? Pour le chercheur, il s’agirait d’une com­bi­nai­son de fac­teurs. « Les épisodes de sécher­esse se sont mul­ti­pliés. Si ces dernières inter­vi­en­nent vers le pic de la sai­son de crois­sance, un stress hydrique impor­tant peut con­duire à la mor­tal­ité des arbres. Nous con­sta­tons égale­ment que de nou­velles mal­adies, poten­tielle­ment liées à des change­ments dans la saison­nal­ité, affectent les forêts. Tout cela les rend plus vul­nérables. »

Faut-il s’attendre à ce que les saisons con­tin­u­ent à évoluer dans le futur pour devenir totale­ment dif­férentes de celles que nous con­nais­sons aujourd’hui ? « Ce n’est pas tout à fait clair. Les prévi­sions cli­ma­tiques pour l’avenir sont très incer­taines, répond Jadu Dash, mais si nous pas­sons un point de bas­cule­ment, nous pour­rions encore voir la péri­ode de végé­ta­tion s’allonger. » À long terme, toute la com­po­si­tion végé­tale qui nous entoure est sus­cep­ti­ble d’évoluer. Le sci­en­tifique observe déjà des espèces d’arbres migr­er vers des lat­i­tudes plus élevées qui leur con­vi­en­nent mieux. Le Roy­aume-Uni voit son activ­ité viti­cole se dévelop­per con­sid­érable­ment, alors qu’elle était inex­is­tante aupar­a­vant. « Les pra­tiques agri­coles vont très cer­taine­ment évoluer au fil du temps, dues à l’aptitude changeante des ter­res à accueil­lir dif­férentes cul­tures », anticipe Jadu Dash. Pour le reste, les évo­lu­tions futures des saisons dépen­dent grande­ment de nos actions pour réduire notre impact sur l’environnement.

Sirine Azouaoui

Référence :

https://www.ign.fr/files/default/2023–10/memento_ign_2023_2.pdf

Le monde expliqué par la science. Une fois par semaine, dans votre boîte mail.

Recevoir la newsletter