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4 technologies pour améliorer les performances sportives

Douglas Powell
Douglas Powell
directeur du Breast Biomechanics Research Center (BBRC) au College of Health Sciences de l'Université de Memphis
Donghee Son
Donghee Son
professeur associé à l'école d'ingénierie électronique et électrique de l'université Sungkyunkwan (Corée du Sud)
Mikyung Shin
Mikyung Shin
professeur associé au département d'ingénierie biomédicale de l'université Sungkyunkwan (Corée du Sud)
Hailey Fong
Hailey Fong
chercheuse au Breast Biomechanics Research Center de l'Université de Memphis (États-Unis)
Jean-Christophe Géminard
Jean-Christophe Géminard
directeur de recherches CNRS au Laboratoire de physique (ENS de Lyon)
En bref
  • De nombreuses technologies pour favoriser la performance sportive voient le jour à travers le monde.
  • Des recherches ont notamment prouvé l’importance d’un bon soutien-gorge de sport, en constatant son effet direct sur l’articulation du genou.
  • Cela prouve que ces derniers, qui évoluent peu depuis 50 ans, doivent être considérés comme des équipements sportifs à part entière.
  • Des semelles équipées de capteurs permettraient de mesurer les progrès et la performance des sportifs dans divers sports.
  • Des chercheurs coréens ont mis au point un hydrogel conducteur, capable de régénérer et de reconnecter un muscle blessé au système nerveux.
  • Ces technologies en développement, variées et multiples, ouvrent les portes à de nouvelles progressions et performances sportives.

#1 Un bon soutien-gorge de sport peut augmenter les performances de course de 7 %.

Out­re une bonne paire de chaus­sures de course, un sou­tien-gorge de sport bien ajusté qui sou­tient les seins est impor­tant pour les coureuses. Il par­ticipe à réduire les douleurs mam­maires et à amélior­er les per­for­mances. Lorsque les seins ne sont pas cor­recte­ment soutenus, le corps com­pense en les pro­tégeant par d’autres moyens. Ces com­pen­sa­tions peu­vent réduire les per­for­mances de course, aug­menter le risque de blessures et même entraîn­er des douleurs dor­sales et thoraciques.

Pour mieux com­pren­dre le rôle d’un bon sou­tien-gorge de sport sur la bio­mé­canique de la course à pied, une équipe de chercheurs dirigée par Dou­glas Pow­ell et Hai­ley Fong du Breast Bio­me­chan­ics Research Cen­ter de l’U­ni­ver­sité de Mem­phis (États-Unis) a étudié l’in­flu­ence du sou­tien-gorge sur la rigid­ité de l’ar­tic­u­la­tion du genou pen­dant l’effort. Cette mesure bio­mé­canique informe sur la résis­tance de l’ar­tic­u­la­tion du genou à la force appliquée. Pour ce faire, les chercheurs ont recruté 12 coureuses non-pro­fes­sion­nelles âgées de 18 à 35 ans et leur ont fait porter deux sou­tiens-gorge de sport dif­férents : l’un avec un sou­tien élevé et l’autre avec un sou­tien faible. Un groupe témoin n’a pas porté de soutien-gorge.

Durant trois min­utes, chaque par­tic­i­pante a cou­ru sur un tapis roulant. Les chercheurs fil­maient à l’aide d’un sys­tème de cap­ture de mou­ve­ment à 10 caméras et d’un tapis roulant équipé de détecteurs de force. En par­al­lèle, des mar­queurs rétro-réfléchissants placés sur le corps des coureuses suiv­aient leurs mou­ve­ments. Puis, un logi­ciel spé­ciale­ment conçu a cal­culé les excur­sions de l’ar­tic­u­la­tion du genou (flex­ions, exten­sions et rota­tions) à par­tir de ces images et du mou­ve­ment de la poitrine pen­dant la course.

Les expéri­ences ont révélé que lorsque le sou­tien mam­maire était plus impor­tant, l’ar­tic­u­la­tion du genou était plus rigide, grâce à de plus petites excur­sions artic­u­laires. Par rap­port au groupe témoin, les sou­tiens-gorge à faible et à forte con­tention ont aug­men­té la rigid­ité de l’ar­tic­u­la­tion du genou de 2 et de 5 % respec­tive­ment. Dans l’ensem­ble, un sou­tien-gorge de sport à haut main­tien sem­ble amélior­er les per­for­mances de course de 7 %. Les travaux ont égale­ment révélé que l’amélio­ra­tion des per­for­mances de course avec les sou­tiens-gorge de sport à haute con­tention était forte­ment cor­rélée à la taille des seins : les femmes à forte poitrine béné­fi­cient d’un plus grand avan­tage en ter­mes de per­for­mances de course.

Ces 50 dernières années, la con­cep­tion des sou­tiens-gorge a peu évolué, explique Dou­glas Pow­ell. « Nos résul­tats, com­binés à ceux d’études antérieures, mon­trent que les sou­tiens-gorge de sport devraient être con­sid­érés non seule­ment comme des vête­ments, mais aus­si comme des équipements sportifs à part entière »12.

#2 Des semelles de chaussures imprimées en 3D pour évaluer les performances des athlètes

Dans le sport de haut niveau, une frac­tion de sec­onde peut faire toute la dif­férence. Les semelles de chaus­sures sur mesure peu­vent amélior­er les per­for­mances des sportifs. Des chercheurs suiss­es de l’Em­pa, de l’ETH Zurich et de l’EPFL, ont dévelop­pé une semelle beau­coup plus sophis­tiquée qu’une sim­ple semelle intérieure. Elle com­prend des cap­teurs de pres­sion et de cisaille­ment, pou­vant mesur­er directe­ment ces paramètres sur la plante du pied pen­dant n’im­porte quel type d’ac­tiv­ité physique.

« Les pres­sions enreg­istrées per­me­t­tent de déter­min­er si une per­son­ne marche, court, monte des escaliers. Il est même pos­si­ble de déter­min­er si elle porte une lourde charge sur le dos, auquel cas la pres­sion se déplace davan­tage vers le talon », explique Gilber­to Siqueira, chef de pro­jet et chercheur à l’Em­pa et au lab­o­ra­toire des matéri­aux com­plex­es de l’ETH.

Les semelles ont été fab­riquées grâce à une imp­ri­mante 3D, appelée extrudeuse. La base de la semelle est con­sti­tuée d’un mélange de sil­i­cone et de nanopar­tic­ules de cel­lu­lose. Une encre con­duc­trice, con­tenant de l’ar­gent, est ensuite imprimée sur cette pre­mière couche. Les cap­teurs, des com­posants pié­zoélec­triques, con­ver­tis­sent la pres­sion mécanique en sig­naux élec­triques. Ces derniers sont imprimés sur les con­duc­teurs de la semelle, là où la pres­sion exer­cée par le pied est la plus forte. L’ensem­ble est pro­tégé d’une dernière couche de sil­i­cone. Une inter­face de lec­ture des sig­naux générés, insérée dans la semelle, com­plète le dispositif.

Out­re l’Em­pa, l’ETH Zurich et l’EPFL, le Cen­tre hos­pi­tal­ier uni­ver­si­taire vau­dois (CHUV) et l’en­tre­prise d’orthopédie Numo ont égale­ment par­ticipé à ces travaux. De telles semelles pour­raient être util­isées par les sportifs pour mesur­er leurs pro­grès à l’en­traîne­ment et leurs per­for­mances de manière générale3.

#3 Un hydrogel conducteur d’électricité pour régénérer les muscles

Des chercheurs de l’Insti­tute of Basic Sci­ence (IBS) en Corée du Sud ont mis au point une nou­velle pro­thèse tis­su­laire. Fab­riquée à par­tir d’un hydro­gel con­duc­teur, elle peut être injec­tée directe­ment dans un mus­cle blessé, afin de le régénér­er et de le recon­necter au sys­tème nerveux. Cette pro­thèse a per­mis à des rats dont les mem­bres postérieurs étaient déchirés de marcher à nouveau.

Les blessures mus­cu­laires telles que les foulures ou les déchirures sont fréquentes chez les sportifs. Lorsqu’un mus­cle est déchiré, sa com­mu­ni­ca­tion élec­trique avec le sys­tème nerveux est per­tur­bée, il ne fonc­tionne plus cor­recte­ment. Aujourd’hui, ces blessures peu­vent être traitées via des dis­posi­tifs élec­tron­iques porta­bles ou implanta­bles. Toute­fois, la rigid­ité de ces derniers les rend incom­pat­i­bles avec les tis­sus biologiques mous. Non seule­ment ils sont incon­fort­a­bles pour le patient, mais ils peu­vent même provo­quer une inflam­ma­tion qui ralen­tit la guérison.

Les chercheurs de l’IBS ont mis au point une pro­thèse sou­ple, fab­riquée à par­tir d’un hydro­gel con­tenant de l’acide hyaluronique – un poly­sac­cha­ride naturel aux pro­priétés mécaniques sim­i­laires à celles des tis­sus mous et con­nu pour ses pro­priétés régénéra­tives. Pour don­ner à la pro­thèse des pro­priétés con­duc­tri­ces, ils ont util­isé des liaisons cova­lentes. Ain­si, l’hydrogel ren­ferme des com­posés chim­iques con­tenant des anneaux hexag­o­naux pou­vant accueil­lir des nanopar­tic­ules d’or. L’or est égale­ment un matéri­au bio­com­pat­i­ble et intrin­sèque­ment inerte sur le plan chimique.

Lorsque le gel est injec­té dans le tis­su mus­cu­laire d’un rat, les liaisons chim­iques qu’il con­tient sont rompues. Elles se refor­ment rapi­de­ment une fois l’hy­dro­gel fixé dans le mus­cle. C’est cette chimie inno­vante qui lui per­met de régénér­er les tis­sus lésés. De plus, le gel ne surac­tive pas le sys­tème immu­ni­taire de l’animal. Il ne pro­duit donc pas de tis­su cica­triciel fibreux, comme cela peut être le cas avec les pro­thès­es implanta­bles conventionnelles.

Les chercheurs ont décou­vert que l’hydrogel adhère aux nerfs périphériques des mus­cles blessés de la pat­te arrière d’un rat. Le dis­posi­tif peut ain­si être con­nec­té à des fils élec­triques. Grâce à cette pro­priété, les sci­en­tifiques peu­vent activ­er le mus­cle en envoy­ant une stim­u­la­tion élec­trique à tra­vers l’hy­dro­gel. Une stim­u­la­tion répétée a per­mis aux rongeurs de marcher peu de temps après la blessure.

À terme, les chercheurs souhait­eraient, bien sûr, appli­quer leur tech­nique aux mus­cles humains. Néan­moins, avant d’y par­venir, d’autres études devront être menées sur des ani­maux plus grands que les rongeurs afin de déter­min­er si l’hy­dro­gel peut con­duire l’élec­tric­ité sur de plus longues dis­tances4.

#4 Analyse du rebond d’une balle de table de tennis de table sur la raquette

Des chercheurs ont mesuré la vitesse de pro­gres­sion, de rota­tion et l’an­gle de rebond d’une balle de ten­nis de table. Les sci­en­tifiques, dirigés par Jean-Christophe Gémi­nard, directeur de recherche CNRS au lab­o­ra­toire de physique de l’ENS de Lyon, ont envoyé la balle sur une plaque de verre, en vari­ant l’an­gle et la vitesse d’im­pact de la balle. Ils ont ensuite mesuré les paramètres précé­dents en analysant les vidéos de l’in­ter­ac­tion de la balle avec la plaque.

Résul­tat : avec des angles d’in­ci­dence typ­ique­ment inférieurs à 45 degrés, la balle roulait (sans gliss­er le long de la sur­face de la plaque) réal­isant une frac­tion de tour com­plet, c’est-à-dire moins d’un tour, avant de rebondir. Pour des angles d’in­ci­dence plus impor­tants, la balle glis­sait encore en quit­tant la sur­face, réduisant sa rota­tion après le rebond. Les chercheurs expliquent qu’en rebondis­sant sur une sur­face solide, telle que la plaque de verre, la rota­tion finale, la vitesse ain­si que l’an­gle de rebond de la balle, sont régis unique­ment par la fric­tion entre la balle et la sur­face. Selon eux, ce résul­tat s’appliquerait au rebond d’une balle sur une vraie table de ping-pong.

Pour con­cré­tis­er leurs expéri­ences, Jean-Christophe Gémi­nard et ses col­lègues les ont ensuite répétées avec une raque­tte recou­verte d’un empile­ment de mousse et d’élas­tomère. Dans une cer­taine mesure, ce scé­nario empêchait la balle de gliss­er sur la sur­face de la plaque. Les joueurs capa­bles de repro­duire les tech­niques décrites dans cette étude auront, sans aucun doute un avan­tage sig­ni­fi­catif, affir­ment les chercheurs.

Enfin, les sci­en­tifiques ont repro­duit leurs expéri­ences sur des sur­faces couram­ment util­isées par les joueurs dans le monde réel, mais à ce jour, les résul­tats de cette par­tie de leur tra­vail n’ont pas encore été ren­dus publics56.

Isabelle Dumé
1http://​dx​.doi​.org/​1​0​.​3​3​8​9​/​f​s​p​o​r​.​2​0​2​3​.​1​1​13952
2https://​www​.fron​tiersin​.org/​a​r​t​i​c​l​e​s​/​1​0​.​3​3​8​9​/​f​s​p​o​r​.​2​0​2​2​.​9​0​2​2​7​6​/full
3https://doi.org/10.1038/s41598-023–29261-0v
4https://www.nature.com/articles/s41586-023–06628‑x
5https://milyon.universite-lyon.fr/jean-christophe-geminard–193689.kjsp
6https://​jour​nals​.aps​.org/​p​r​e​/​a​b​s​t​r​a​c​t​/​1​0​.​1​1​0​3​/​P​h​y​s​R​e​v​E​.​1​0​7​.​0​55007

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